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28 décembre 2014 7 28 /12 /décembre /2014 09:35

2014-12-28 Frans Francken Un cabinet de curiosités

« ... Arrêter Passée des arts après plus de cinq ans d'une activité soutenue porteuse de soucis épineux mais aussi et surtout de joies réelles pour en prolonger ailleurs l'esprit dans un cadre différent est un pari risqué mais qui m'est pourtant apparu, après maintes réflexions, assez logique... »

 

La suite de l'aventure est ici : http://wunderkammern.fr/2014/12/28/des-mots-et-merveilles/

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18 décembre 2014 4 18 /12 /décembre /2014 07:39

 

John Grant BBC Philharmonic Live in Concert

Enregistrer un disque avec un orchestre symphonique est le fantasme d'un certain nombre de chanteurs, mais du rêve à la réalité, il y a parfois un abîme des plus périlleux : si l'exercice est mal maîtrisé, les orchestrations viennent déverser des litres de mélasse qui rendent le résultat pataud et souvent complètement indigeste, mais s'il a été intelligemment pensé, les habits de lumière dont elles parent les chansons soulignent, au contraire, leur caractère classique et fait sentir combien elles appelaient foncièrement ce type d'arrangements. Le double disque que nous propose John Grant accompagné, excusez du peu, par les forces du BBC Philharmonic Orchestra, se classe dans la seconde catégorie comme, en France, les projets similaires d'un William Sheller, l'art des deux hommes étant d'ailleurs parfois étonnamment proche. Le chanteur américain a extrait de ses deux albums les titres qui se prêtaient le mieux à cette métamorphose et si son choix laisse une place à quelques compositions plus rythmées, comme l'électronique Pale green ghosts, rencontre aussi improbable qu'impeccable entre deux univers diamétralement opposés qui prend ici des dimensions cinématographiques, il fait surtout la part belle aux ballades oscillant entre tendresse et mélancolie, mais sans pour autant que cette programmation génère le moindre ennui ou un sentiment d'uniformité, grâce à l'intelligence des arrangements de Fiona Brice qui habillent somptueusement les chansons sans les alourdir et en préservant un excellent équilibre entre l'accompagnement par l'orchestre et le quatuor piano-guitare-basse-batterie. Dans cet écrin luxueux et pourtant jamais ostentatoire – nombre de passages instrumentaux sonnent de manière presque chambriste – la voix de John Grant s'épanouit et se libère, osant des graves abyssaux (GMF, ou comment lâcher, l'air de rien, « je suis la plus belle ordure que tu rencontreras jamais » — ordure étant un euphémisme pour motherfucker dans l'original) ou des détimbrages soudains mais parfaitement contrôlés qui mettent les émotions à nu, comme dans les premières mesures de Caramel, où la frontière entre sensualité rauque et douleur déchirante s'abolit complètement. Incroyablement tendres (TC & Honeybear) ou pleines de rage contenue (Glacier, dénonciation, d'autant plus forte qu'elle n'est jamais démonstrative, de l'homophobie dont John Grant a été victime durant son adolescence), les chansons explorent principalement les terres de la nostalgie (Marz et l'épure de toute beauté Fireflies) et des amours blessées (You don't have to), déçues (It doesn't matter to him), truquées (Where dreams go to die) où les éclaircies font figure d'exceptions (Outer space). Mais l'univers de John Grant n'est pas fait que d'une enfilade de coins d'ombres que l'on traverserait à sa suite avec des larmes plein les yeux ; on y trouve aussi un singulier mélange de divagations amusées (Sigourney Weaver) et surtout d'humour teinté de cynisme (GMF) ou d'absurde (Queen of Denmark : « je voulais changer le monde et je ne parvenais même pas à changer de sous-vêtements »), autant de moments où l'on sent à quel point les diverses dépendances toxiques par lesquelles il est passé ont laissé en lui une amertume et une ironie également indélébiles.

Le long de cette route qui le ramenait des enfers est né un style qui, s'il n'est sans doute pas révolutionnaire, est extrêmement personnel, jouant à merveille de la distance et de la proximité, du tranchant et du caressant. Et il y a cette voix souvent troublante – ne rêveriez-vous pas que la personne que vous aimez vous murmure avec le même timbre que rien n'arrête votre beauté (« Your beauty is unstoppable », Where dreams go to die) ? –, toujours éloquente, et qui souvent semble étrangement familière quand, en exposant pour vous ses fêlures, elle vous tend un miroir dans lequel vous êtes surpris, parfois même un peu effrayé, de reconnaître les vôtres. Il ne fait guère de doute qu'avec cette production brassant deux univers chers à son cœur, John Grant qui avoue, au détour d'une chanson, que la découverte du Prélude en ut dièse mineur de Rachmaninov a eu sur sa sensibilité un influence déterminante, a réalisé un rêve et l'on a hâte d'embarquer à ses côtés sur les ailes de ceux que son imagination est sans doute déjà en train de tisser pour nous.

 

John Grant BBC Philharmonic Live in ConcertJohn Grant with the BBC Philhamonic Orchestra : Live in Concert

 

2 CD [durée : 46'06" et 44'52"] Bella Union/BBC Worldwide. Ce disque peut être acheté chez votre disquaire ou en suivant ce lien.

 

Extraits proposés :

 

1. Where dreams go to die
(Paroles & musique : John Grant)

 

2. Pale green ghosts
(Paroles & musique : John Grant)

 

Cette chronique est dédiée à François, à qui je dois la découverte récente de John Grant, mais également, depuis de nombreuses années, de tant d'autres musiques, « populaires » ou « savantes. » Quand, dans la main qui guide, s'unissent la curiosité et l'empathie dans le désir de transmettre, on chemine volontiers et on apprend beaucoup, sur le monde et sur soi-même.

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14 décembre 2014 7 14 /12 /décembre /2014 08:38

 

Francesco Fontebasso L'Adoration des bergers

Francesco Fontebasso (Venise, 1707-1769),
L'Adoration des bergers, milieu du XVIIIe siècle
Huile sur toile, 58,8 x 44,9 cm, Houston, Museum of Fine Arts
[image en très haute définition ici]

 

Je vous ai déjà parlé ici de la passionnante série Musique à Prague au XVIIIesiècle réalisée par le label tchèque Supraphon, à laquelle les mélomanes curieux doivent, depuis quelques années, de très intéressantes découvertes. Le Collegium Marianum, qui nous a offert récemment une belle version des Lamentations de Zelenka, nous propose, comme il y a cinq dans le programme Rorate Cœli, une anthologie de musiques pour le temps de Noël qui est bien plus qu'un disque de pure circonstance puisqu'il permet également de documenter pour la première fois au disque des œuvres de Josef Antonín Sehling.

On sait finalement encore peu de choses sur ce compositeur né au début de janvier 1710 à Toužim, une petite ville à une centaine de kilomètres à l'ouest de Prague, et on ignore notamment tout de son milieu d'origine et de son apprentissage. Tout au plus les archives nous apprennent-elles, sans plus de précision, qu'il étudia à Vienne où il ne put – mais c'était le cas de bien des musiciens à l'époque, qu'ils fussent ou non actifs dans la cité du Danube – échapper à l'emprise de l'omnipotent Johann Joseph Fux, quand ce qui nous est dévoilé de sa production avoue une proximité avec un autre maître, l'italien Antonio Caldara qui marqua d'une forte empreinte la vie musicale viennoise de son installation au service des Habsbourg en 1717 à sa mort en 1736. Si les contacts de Sehling avec ces deux illustres figures demeurent de l'ordre de la conjecture, on sait en revanche de façon certaine qu'une fois formé, il rejoignit un ensemble dont la fréquentation allait avoir sur son style une influence déterminante : l'orchestre que le comte Václav Morzin entretenait à Prague. Cette formation privée était un véritable foyer d'italianisme en Bohême, à tel point d'ailleurs que Vivaldi dédia au comte son Opus 8, ce Cimento dell' armonia e dell' invenzione qui renferme les fameuses Quatre saisons. Malgré sa connaissance du langage musical le plus à la mode de son temps et, on peut l'imaginer, quelques solides recommandations, Sehling ne parvint pas à décrocher le poste de maître de chapelle de la cathédrale Saint-Guy qu'il brigua en mars 1737 ; il devait y servir durant toute sa carrière en qualité de second violon, le poste de chef de pupitre lui ayant également échappé en 1739. Giambattista Pittoni La Sainte FamilleMalgré le succès de sa pièce Judith, représentée devant l'impératrice Marie-Thérèse en 1743, notre musicien continua à cachetonner dans diverses institutions praguoises pour compléter ses revenus et mourut le 19 septembre 1756, deux ans après avoir composé une pantomime, Die Liebe-Raserey der Colombina, créée au Divadlo v Kotcích, un important théâtre de Prague.

L'essentiel du legs du Sehling est aujourd'hui préservé dans les archives de la cathédrale Saint-Guy, dans un manuscrit où le compositeur avait rassemblé, à la manière d'un Sébastien de Brossard aux ambitions plus modestes, 93 pièces de sa plume ainsi qu'une vaste anthologie de partitions d'autres auteurs, pour un total respectable de 591 œuvres. Comme on pouvait s'y attendre, les pages proposées dans ce disque, qui donne aussi à entendre, en guise d'interlude, une des charmantes Sonates pastorales de Fux, attestent toutes d'une profonde empreinte de la manière italienne, d'autant plus franche que Sehling ne se contente pas d'appliquer des recettes toutes faites en saupoudrant quelques tournures au petit bonheur, mais fait véritablement sien le langage lyrique ultramontain (le Duetto Vis ingens est favori n'est, ni plus, ni moins, qu'une scénette d'opéra revêtue d'un texte en latin d'inspiration religieuse, sur le thème de l'amour qui plus est), qui laisse tout de même furtivement percer, ça et là, quelques traits plus germaniques (les harmonies de l'Offertoire Ecce magi veniunt semblent ainsi sorties de l'imagination de Bach). Ce style fluide et lumineux qui fait la part belle au caractère chantant s'harmonise de façon parfaitement naturelle avec la douceur jubilante qui signe les compositions pour le temps de Noël : le Motet Dormi nate, mi mellite est sans conteste une berceuse attendrie, tandis que les quatre très belles Pastorales exploitent avec bonheur la veine populaire avec une fraîcheur toute de franchise et d'allant. Outre le charme qu'elle exhale, il est très intéressant de voir que la musique de Sehling, en faisant primer la mélodie sur la complexité contrapuntique et en simplifiant l'harmonie regarde déjà clairement vers le style préclassique, tel qu'on l'observe, par exemple, dans certaines pages sacrées du jeune Haydn, qui fut lui aussi sensible à la modernité représentée alors par la manière napolitaine que lui avait transmise son maître Porpora.

On a toujours un rien d'appréhension en posant sur sa platine un disque dont l'affiche semble prometteuse mais lorsque le pari est, comme dans celui-ci, largement tenu, la satisfaction n'en est que plus grande. Le Collegium Marianum a, en effet, su trouver le ton et les moyens adéquats pour rendre justice à la musique de l'obscur Sehling dont il livre une interprétation aussi bien équilibrée qu'idiomatique. Bien sûr, tout n'est pas parfait dans cette réalisation – l'allemand de Tomáš Král, baryton fort bien chantant par ailleurs, dans l'aria pour l'Avent Donner und Hagel est assez exotique et ce manque de maîtrise linguistique bride l'expressivité, l'alto Markéta Cukrová présente quelques regrettables tensions vocales dans l'Aria Vos stellæ preclaræ –, Collegium Marianum Sehling (c) Matouš Vlcinský Supraphonmais elle est globalement de très bonne tenue, grâce à des chanteurs de qualité habitués aux projets de l'ensemble – une mention particulière pour Hana Blažíková, au timbre tendre et lumineux, et pour la sobriété et les nuances de Tomáš Král – , ce qui renforce la cohérence globale de l'interprétation, et à des instrumentistes dont j'ai une nouvelle fois plaisir à souligner l'excellence, tant en termes de propreté technique que de netteté d'articulation et de sens du coloris. Il me semble que, dans leur ensemble, les musiciens du Collegium Marianum ont parfaitement bien saisi les enjeux de ces compositions, tant du point de vue du style que de l'esprit, et ils en restituent avec un plaisir palpable et communicatif les courbes et les grâces, sans jamais tomber ni dans l'excès de fioritures, ni dans la fadeur. Tout est ici justement pesé et pensé et conséquemment fort bien tenu, avec une pulsation qui respecte les carrures inspirées de l'univers de la danse et une finesse de caractérisation qui fait percevoir combien nombre de ces pièces se situent à la frontière, guère étanche à l'époque, entre sacré et profane. On rend donc rapidement les armes devant ce programme pour le temps de Noël composé avec goût et interprété avec autant d'enthousiasme que d'intelligence et qui transmet en beauté la ferveur simple qui s'attachait autrefois à cette fête. D'autres pièces de Sehling présentent sans doute autant d'intérêt que celles-ci et on espère donc, compte tenu de cette première réussite, que le Collegium Marianum aura la volonté et les moyens de les ressusciter.

 

Sehling Collegium MarianumNoël à la cathédrale de Prague, œuvres de Josef Antonín Sehling (1710-1756) et Sonata pastorale a tre de Johann Joseph Fux (1660-1741)

 

Hana Blažíková, soprano
Markéta Cukrová & Marta Fadljevičová, altos
Václav Čížek, ténor
Tomáš Král, baryton
Jaroslav Nosek, basse
Collegium Marianum
Jana Semerádová, flûte traversière & direction

 

1 CD [durée totale : 71'19"] Supraphon SU 4174-2. Ce disque peut être acheté chez votre disquaire ou en suivant ce lien.

 

Extraits proposés :

 

1. Deponite metum, motet pour la Nativité : Chœur « Deponite metum »

 

2. Vis ingens est favori, Duetto (Hana Blažíková, Tomáš Král)

 

3. Eia, læti properemus, Pastorale (Hana Blažíková, Markéta Cukrová)

 

Illustrations complémentaires :

 

Giambattista Pittoni (Venise, 1687-1767), La Sainte Famille, c.1735. Huile sur bois, 82 x 64 cm, New York, Metropolitan Museum

 

La photographie du Collegium Marianum durant les sessions d'enregistrement du disque Sehling est de Matouš Vlcinský pour Supraphon.

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11 décembre 2014 4 11 /12 /décembre /2014 09:11

Albums 2014

Inlassablement, la fin de l'année marque le temps des rétrospectives et autres palmarès. Sollicité par Culturopoing, site auquel je collabore avec plaisir et qui sera peut-être celui auquel je réserverai, à partir de l'année prochaine, mes articles sur le répertoire non classique, pour établir la liste des albums ayant retenu mon attention en 2014, je me suis dit, en rendant ma copie, que je prendrais finalement le risque de la proposer ici, au cas où elle intéresserait quelques-uns d'entre vous.

J'ai bien conscience que, pour un certains nombre de personnes, ces chemins de traverse que j'emprunte représentent autant de faux pas qui me décrédibilisent à leurs yeux ; un de ces petits marquis qui s'érigent aujourd'hui en arbitres des élégances sur les réseaux sociaux m'aura ainsi moqué de préférer un bon vieux Pink Floyd à un disque raté de musique napolitaine qu'il présentait en l'affublant de la quincaillerie superlative qui lui tient lieu de discours. Pour les gens de ma génération (j'aurai 45 ans à la fin de cette année), je veux croire que les frontières entre les genres ne sont plus aussi étanches qu'elles purent l'être pour d'autres et qu'il est possible de passer du XVe siècle de Wolkenstein au New-York électrique d'Interpol sans avoir besoin de se justifier, quand bien même je donne le sentiment de le faire ici, ma parole étant publique. Peut-être aussi dois-je au fait d'avoir trouvé dans mon biberon les Beatles et Pink Floyd avant même de connaître le nom de Mozart de n'avoir développé, quand je l'ai rencontré et adopté, aucun esprit de caste et d'avoir eu la chance de conserver un pied dans chaque univers.

Voici donc douze reflets de ce que fut mon année 2014 sur ces chemins buissonniers retrouvés avec un bonheur confinant parfois à l'ivresse. Je m'en suis tenu aux catégories album, chanson et découverte de l'année demandés dans l'exercice initial, mais tout est sur le cliché qui accompagne ces quelques lignes.

 

Albums de l'année :

 

Gem Club In roses28 janvier — Gem Club, In roses

Après un Breakers (2011) d'un intimisme suffocant, le duo devenu trio Gem Club revient avec un nouvel opus dont la science des atmosphères est tout bonnement saisissant. On ne sait jamais, avec ces musiciens experts dans le maniement des silences et de l'ellipse, si l'on se situe du côté du rêve ou de l'éveil, et In roses renouvelle l'exploit de nous faire frissonner avec trois fois rien, si ce n'est des chansons épurées, des ambiances impalpables, quelques arrangements soignés, toute une alchimie du presque rien dont les éléments finissent pourtant par se mêler pour mieux vous prendre à la gorge en vous mettant face à vos émotions. Dangereusement envoûtant.

 

Extrait choisi : Braid

 

Jeanne Cherhal Histoire de J10 mars — Jeanne Cherhal, Histoire de J

La tentation est grande, bien entendu, de tenter de deviner la part d'autobiographie qui se cache sous l'initiale du titre, et si l'on peut imaginer que cette dimension de miroir n'est pas absente, le fait n'a pas, en soi, une si grande importance. Ce que l'on retient au fil des écoutes de ce disque chaleureux et intime que sa construction et sa production également impeccables n'empêchent pas de regarder l'auditeur dans les yeux et de lui murmurer à l'oreille, c'est l'impression de se trouver face à une réalisation que son équilibre rend déjà classique.

 

Extrait choisi : Noxolo

 

Thirteen Senses A strange encounter5 mai — Thirteen Senses, A strange encounter

On les croyait perdus et sans doute le sont-ils d'ailleurs en grande partie, du moins pour l'industrie du disque. Les Thirteen Senses sont des Phaéton qui se sont vus trop grands et l'ont payé, après les débuts prometteurs de The Invitation (2004), par une descente en torche, le temps de deux albums exsudant la mauvaise graisse, dont on pensait qu'elle les avait pulvérisés. Il n'en est rien et sur la terre brûlée de ses échecs, ce groupe dont plus personne n'attend quoi que ce soit a fait pousser un disque merveilleux, qui renoue avec la sveltesse sans renoncer au lyrisme et retrouve la fraîcheur de l'inspiration de ses débuts en nous offre une promenade nocturne et scintillante, oscillant sans cesse entre la joie de se sentir vivant et le souvenir de blessures pas encore cicatrisées. Ne cherchez pas ce disque en boutique, il n'est hélas disponible qu'en téléchargement, cette pauvreté de diffusion étant d'autant plus désolante quand Coldplay, à qui on a régulièrement reproché à Thirteen Senses de vouloir ressembler, a vendu par palettes entières son Ghost stories sorti deux semaines plus tard, un disque qui se voulait un retour aux sources mais n'a fait que montrer cruellement à quel point elles étaient taries.

 

Extrait choisi : Stars make progress

 

Douglas Dare Whelm12 mai — Douglas Dare, Whelm

Douglas Dare n'a pas 25 ans et son premier album est d'une hauteur de vue assez ébouriffante. Une mère professeur de piano l'a encouragé dans la voie de la composition, il a commencé à écrire des chansons en 2008 et a fini par se lancer cinq ans plus tard (Seven Hours EP, 2013), armé de textes finement ciselés, d'un sens mélodique très sûr (très « classique », pour tout dire) et d'un goût affirmé pour les expérimentations sur les textures sonores. Whelm est un disque au romantisme assumé, percé de plongées mélancoliques quelquefois vertigineuses et animé par un souffle à la fois intimiste et épique qui le rend aussi impressionnant qu'attachant.

 

Extrait choisi : Swim

 

Nick Mulvey First Mind12 mai — Nick Mulvey, First mind

First mind se révèle un premier album d'une grande richesse qui souligne aussi bien le savoir-faire de son auteur que sa capacité à savoir s'entourer pour donner corps à ses projets. On sait gré à Nick Mulvey d'avoir, comme tout bon peintre, résisté à la tentation de l'effet pittoresque pour lui-même et d'avoir préféré le mettre entièrement au service d'un disque qui parle de voyages et d'amour avec pudeur et fièvre.

 

Extrait choisi : I don't want to go home

 

Isaac Delusion2 juin — Isaac Delusion

Chacun abordera ce disque avec la sensibilité qui lui est propre. Certains retiendront avant tout son caractère globalement enjoué et sensuel – notons que même si l'électronique est évidemment reine ici, le soin apporté à la réalisation et la présence d'instruments acoustiques lui apportent une véritable chaleur –, d'autres le liront comme la bande-son rêvée, dans tous les sens du terme, des longues soirées de fête où l'on se croise et parfois se frôle sans toujours se rencontrer, des promenades en lisière d'océan ou sous les dunes sous des cieux gonflés de nostalgie.

 

Extrait choisi : A little bit too high

 

Christine and the Queens Chaleur humaine2 juin — Christine and the Queens, Chaleur humaine

J'aurais dû détester ce disque avec ses textes mélangeant allègrement français et anglais, mais dès que je lui ai accordé de l'attention, je suis tombé sous le charme de ces chansons dont certains se sont plu à dénigrer la naïveté des paroles, qui me semble plutôt la recherche d'une certaine simplicité tranchant avec le caractère très étudié d'arrangements pensés et léchés dans les moindres détails. On aurait d'ailleurs pu craindre que ce côté très technique engendrât de la froideur, mais c'était compter sans une musicienne pour laquelle le corps est également un moyen d'expression et qui fait souffler sur les machines un souffle incroyablement organique.

 

Extrait choisi : Saint Claude

 

The Antlers Familiars17 juin — The Antlers, Familiars

La trajectoire de The Antlers ressemble à une lente libération dont chaque album marquerait une étape, et les timides rayons de soleil que Burst apart (2011) avait fait entrer dans la chambre désolée de Hospice (2009) inondent généreusement Familiars qui, sans être franchement joyeux (on peut parier que les productions de ce groupe ne le seront que par accident), se distingue de ses prédécesseurs par une atmosphère presque sereine, qui se délivre peu à peu de la pesanteur comme d'une vieille peau. Un disque complexe qui regarde souvent du côté du jazz et entraîne l'auditeur, un peu à la manière de la Symphonie en ré mineur de César Franck, des ténèbres à la lumière.

 

Extrait choisi : Director

 

Angus & Julia Stone1er août — Angus & Julia Stone

Frère et sœur (option chien et chat) propulsés en 2010 sous le devant de la scène par le succès international rencontré par Big Jet Plane et le très bel album Down the way qui contenait ce délicieux hymne au nonchaloir, leur aventure devait être sans lendemain, le duo s'étant rapidement séparé pour mener des projets en solo. Il aura fallu l'obstination du producteur Rick Rubin pour que naisse cet album fiévreux et sans ambages dans lequel circule une énergie que les Stone n'avaient jamais montré auparavant à ce niveau d'incandescence, une sensualité parfois un rien hautaine traversée de subits assombrissements qui le rendent définitivement fascinant.

 

Extrait choisi : A heartbreak

 

Interpol El Pintor8 septembre Interpol, El Pintor

D'une certaine façon, l'atmosphère de ce cinquième album pourrait être résumée par le titre de son morceau d'ouverture, All the rage back home, tant il semble évident que Paul Banks, Daniel Kessler et Samuel Fogarino ont fini par retrouver l'énergie farouche, menaçante, orageuse qui donne à la musique d'Interpol la pulsation fiévreuse que l'on perçoit en filigrane de ses accès de rage rentrée et qui la distingue du tout-venant. Il y a peu d'éclaircies durant les quarante minutes d'El Pintor, un disque concentré qui ne s'embarrasse guère de fioritures et avance souvent les mâchoires serrées dans une atmosphère lourde d'une tension électrique qui porte encore les traces du combat qui l'a engendré.

 

Extrait choisi : My desire

 

Chanson de l'année : Real Lies, North circular

Real Lies North CircularNous sommes d'accord, cette catégorie ne veut pas dire grand chose et désigner une chanson parmi les milliers qui sont produites chaque année à un petit côté aiguille dans une meule de foin assez ridicule. Disons plûtôt qu'il s'agit de la marque d'un vif intérêt à l'égard de ce jeune trio londonien formé en 2012 et qui a visiblement digéré pas mal d'influences en provenance des années 1980, comme, par exemple, celle de NewOrder. Instinctivement, c'est pourtant à West End Girls des Pet Shop Boys que me fait songer ce North Circular conçu comme une déambulation nocturne et embrumé qui hésite entre jouer les gros bras et s'affaler dans un coin pour aller cuver son excès de bière. Au bout de la nuit, on sait déjà que le réveil sera difficile quand le réel s'imposera dans toute son insignifiance. Les trois garçons de Real Lies restituent ce mélange de morgue et de désespérance avec intelligence et je me dis que doués, futés et crâneurs juste ce qu'il faut comme ils le sont, ils ont les moyens de nous surprendre dans les mois et les années à venir.

 

Révélation de l'année : John Grant

Je n'ai découvert cet artiste qui a déjà deux albums derrière lui (Queen of Denmark en 2010, Pale green ghosts en 2013) que très récemment, grâce à un ami qui m'a souvent mis sur la voie de pépites de ce genre et qui sourira s'il me lit. J'ai instantanément rendu les armes devant des compositions très directes malgré, parfois la luxuriance des arrangements, portées par une voix qui, dans ses douceurs et ses blessures, semble s'adresser à chacun de nous. J'ai appris depuis quel avait été le parcours de l'homme réchappé des enfers, qu'il s'agisse de celui que lui avait fait vivre son orientation sexuelle durant son adolescence ou de ceux, toxiques, dans lesquels il s'était abîmé ensuite. John Grant est un miraculé aux inspirations souvent miraculeuses.

 

Titre choisi : Glacier

 

John Grant QueenOf DenmarkQueen of Denmark

 

John Grant Pale green ghostsPale green ghosts

 

John Grant BBC Philharmonic Live in ConcertLive in Concert, avec le BBC Philharmonic

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7 décembre 2014 7 07 /12 /décembre /2014 08:47

 

Maître de Gérone Initiale C avec saint Nicolas

Maître de Gérone (fl. c.1300),
Initiale historiée C avec saint Nicolas, fin du XIIIe siècle.
Tempera et feuille d'or sur parchemin, 58,3 x 40,2 cm (feuillet)
Ms. Ludwig VI 6, fol. 171V, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum
[image en très haute définition ici]

 

Tout comme Mala Punica, l'ensemble italien de musique médiévale La Reverdie doit au flair de Michel Bernstein d'avoir vu son travail durablement diffusé et reconnu, une aventure qui se poursuit toujours, puisque ces musiciens ont enregistré, au début de cet automne, un programme intitulé Venecie, mundi splendor à paraître en 2015. Des quinze disques publiés par Arcana depuis le fondateur Speculum amoris en 1993, j'ai choisi de vous présenter aujourd'hui La Nuit de Saint Nicholas.

Malgré quelques réalisations monographiques, dont une consacrée à Hildegard von Bingen et une à Jacopo da Bologna également recommandables, La Reverdie s'est principalement fait une réputation grâce à des programmes anthologiques explorant une thématique souvent extrêmement évocatrice (« musique de la pensée médiévale », « résonances médiévales de la féminité celte » par exemple) et propices à des excursions savantes. La Nuit de Saint Nicholas se situe, en quelque sorte, à mi-chemin entre ces deux types de propositions, dans la mesure où un personnage unique y est évoqué en recourant à des sources diversifiées. On peut regarder ce projet comme le pendant de l'ambitieuse Historia Sancti Eadmundi, gravée deux ans plus tôt (Arcana A42, réédité en 2009)Royal 2 B VII f. 317 Nicolas sacré évêque : là où cette dernière s'attachait, avec des moyens instrumentaux quelquefois luxuriants, à restituer un jeu liturgique dans toutes ses dimensions, y compris théâtrales, le premier, tout en conservant le fil narratif propre au genre de l'Historia, demeure dans le cadre plus cérémoniel d'un office. Celui dédié à saint Nicolas qu'a choisi de faire revivre La Reverdie a été copié durant le dernier quart du XIIIe siècle dans un manuscrit préservé aujourd'hui sous la cote Mm. 2g à la bibliothèque de l'université de Cambridge. Introduit par un invitatoire solennel, il est organisé de façon canonique en trois nocturnes composés de trois couples antienne-psaume, puis de trois couples leçon-répons, tous dotés de fonctions narratives hormis, naturellement, les psaumes, les répons offrant par ailleurs un degré d'élaboration supérieur aux antiennes, d'une grande sobriété. Ces pièces historiées ont pour but, en faisant saillir à la manière de miniatures colorées les épisodes les plus marquants de la vie du saint, d'insister sur leur caractère exemplaire dans lequel le fidèle doit nécessairement trouver l'aliment de son propre chemin spirituel vers la conduite irréprochable garante de son salut.

La Reverdie, en puisant dans les trois nocturnes du manuscrit, a reconstitué un nocturne complet, en le faisant suivre immédiatement par les brillants mélismes d'un organum polyphonique issu du répertoire de l'École de Notre-Dame, Ex eius tomba, entretenant un rapport de proximité avec le répons sur le même texte présent dans le manuscrit de Cambridge. Le programme se poursuit en un choix d'antiennes plus développées, dont l'une inclut un très beau Magnificat, avant de se refermer sur deux pièces extraites du Livre de Jeux Royal 2 B VII f. 317 v Nicolas et les trois enfantsréalisé pour l'abbaye de Fleury au XIIe siècle ; après une brève oraison, l'atmosphère se fait à la fois dépouillée et onirique dans Sainte Nicholas Godes druth qui aurait été dicté, durant une vision, par saint Nicolas en personne à l'ermite Godric de Finchale (c.1069-1170). Si quelques traits plus modernes peuvent s'y percevoir, la musique de cet office de saint Nicolas reste largement ancrée dans l'héritage grégorien avec une importance toute particulière conférée aux mots, à leur prosodie et à leur accentuation, des lignes sobres mais comportant néanmoins des incidents qui viennent rompre leur régularité et leur conférer la dynamique nécessaire à la transmission des intentions rhétoriques du texte. Car monodiques ou polyphoniques, ces compositions toutes baignées de ferveur sont ici pour nous conter une histoire et nous y faire participer tout autant que pour rendre compte de la beauté parfaite de l'univers créé par Dieu — il ne faut jamais oublier que cette conception est centrale dans la pensée musicale prévalant durant le Moyen Âge et qu'elle prévaudra longtemps sur une approche plus individualisée.

Cette double dynamique a été parfaitement saisie par les musiciens de La Reverdie et d'I Cantori Gregoriani dont l'approche offre un parfait équilibre entre contemplation et dramatisation. J'ai retenu quatre extraits pour vous présenter leur Nuit de saint Nicholas, mais il me semble que cette réalisation ne donne vraiment sa pleine mesure que lorsqu'on l'écoute en continu, tant la succession des morceaux est pensée avec finesse et intelligence pour former un tout d'une irréprochable cohérence qui, pour peu que vous y consentiez, vous happe pour ne plus vous lâcher. On pourra certes se poser la question de l'emploi d'un effectif mixte ou des instruments dans un tel répertoire, mais les interventions de ces derniers sont rares et toujours réalisées pour souligner la parole plutôt que détourner l'attention avec d'inutiles fiorituresRoyal 2 B VII f. 318 Nicolas sauvant un bateau — aurez-vous, par exemple, remarqué combien l'antienne Auro virginum incestus avec sa partie de vièle se rapproche de l'univers de Hildegard von Bingen ? Il faut aussi souligner à quel point ce programme est éloquemment dit dans les parties déclamées et supérieurement chanté ailleurs ; les voix sont souples, lumineuses, d'une grande justesse d'intonation et d'une belle richesse de timbres, toutes entières mises au service d'une vision claire du répertoire qu'elles interprètent. On peut ne pas être d'accord avec les options interprétatives, mais il faudrait être bien vétilleux pour ne pas reconnaître à quel point le résultat est abouti, tant du point de vue de la pensée que de l'esthétique qui signent cette réalisation. Enfin, ce remarquable travail est servi par une prise de son qui ne l'est pas moins et se sert de l'acoustique du lieu pour, sans jamais hypothéquer la transparence et la netteté d'ensemble, opérer une fusion des timbres et révéler un subtil jeu de résonances tout à fait fascinants.

Dans le cadre du travail de réédition des enregistrements du fonds Arcana entrepris à raison par Outhere music, il faut espérer que ce disque vieux de plus de quinze ans mais à la magie intacte sera rapidement rendu aux mélomanes. Si, d'ici là, un exemplaire passait à votre portée, n'hésitez pas à lui faire bon accueil.

 

La Nuit de saint Nicholas La ReverdieLa Nuit de Saint Nicholas

 

La Reverdie
I Cantori Gregoriani
Roberto Spremulli & Fulvio Rampi, direction artistique & musicale

 

Enregistré en l'Église de Collegara à Modène du 28 avril au 2 mai 1998 et publié par Arcana sous référence A72 [durée totale : 73'56"]. Ce disque est actuellement indisponible, mais peut assez aisément se trouver auprès des disquaires et des sites de vente d'occasion.

 

Extraits proposés :

 

1. Antienne : Auro virginum incestus
Psaume IV : Cum invocarem

 

2. Répons : Confessor Dei Nicholaus

 

3. Organum : Ex eius tomba

 

4. Oracio : Gaudes igitur o gloriose presul
Saint Godric de Finchale : Sainte Nicholas Godes druth

 

Illustrations complémentaires :

 

Psautier de la Reine Mary, réalisé en Angleterre entre 1310 et 1320, Ms Royal 2B VII, Londres, British Library :

f. 317 r : Nicolas sacré évêque de Myre

f. 317 v : Nicolas et les trois enfants

f. 318 r : Nicolas sauvant un bateau

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30 novembre 2014 7 30 /11 /novembre /2014 08:56

 


Attribué à Jean II Penicaud Nativité

Attribué à Jean II Penicaud (Limoges, fl. c.1532-1549),
Nativité, sans date
Émail peint sur cuivre, 18,5 x 16,5 cm, Paris, Musée du Louvre
[image en très haute définition ici]

 

La parution de chaque nouveau disque de l'Ensemble Clément Janequin qui est devenu, depuis plus de trente ans, un compagnon familier et attachant pour beaucoup d'amateurs du répertoire Renaissance, constitue, en soi, un cadeau. Il est double cette fois-ci, car les musiciens ont non seulement choisi de nous offrir un programme de saison, mais aussi de partager l'affiche avec un tout jeune ensemble qui fait, sous leur patronage, ses premiers pas devant les micros, le Trio Musica Humana.

Plus que toute autre sans doute, la fête de Noël est celle qui permet aux éléments savants et populaires de se mêler harmonieusement en s'éclairant mutuellement. La Grande Bible des Noels Benoît RigaudCette heureuse accordance qu'ont magnifiquement illustrée peintres et sculpteurs, en particulier dans les représentations mettant en scène les bergers personnifiant la joie des plus humbles, est également présente dans la musique, et c'est ce jeu de résonances que donne à entendre, dans sa diversité, Au sainct Nau. L'invention plébéienne des noëls, un genre qui était toujours pratiqué au XIXe siècle, est antérieure au XVIe siècle, période sur laquelle se concentre le programme de cette anthologie, mais sa diffusion profita alors, bien entendu, de l'essor de l'imprimerie, jusqu'à former des recueils comme la Grande Bible des Noëls publiée à Lyon en 1550, avec une page de titre ornée d'une jolie vignette antiquisante bien dans l'air humaniste du temps. Parcourir cet ouvrage donne une bonne idée des pratiques qui avaient cours, car s'il s'ouvre sur un tout à fait canonique Conditor alme syderum pour le temps de l'Avent, celui-ci est immédiatement suivi par un Conditor en françois qui décrit, avec une verve toute rabelaisienne, un fastueux banquet. Au fil des pages, se rencontrent ensuite des airs à chanter sur des mélodies alors connues de tous, qu'elles soient sacrées (Ave maris stella, A solis ortus...) ou profanes, cette dernière catégorie faisant principalement place à la chanson, avec des « tubes » comme Douce mémoire ou Allégez moy, mais aussi à la danse (Noël sur les branles de Bourgogne). Tantôt jubilatoires (Dison Nau à pleine teste), tantôt recueillies (Au bois de deuil), ces parodies restituent parfaitement l'esprit foncièrement ambigu de la fête de la Nativité, que traduisent aussi les imagiers avec leur symbolique propre, oscillant entre l'émerveillement devant l'arrivée du Sauveur et le pressentiment de Sa Passion. Selon les coutumes du temps qui furent, comme on le sait, dûment sermonnées par le Concile de Trente, l'adaptation de textes nouveaux se soucie peu de la nature de celui qui était porté auparavant par la mélodie, ce qui occasionne de succulents carambolages lorsque l'on connaît les deux – et les hommes du temps les avaient évidemment plus à l'esprit que l'auditeur d'aujourd'hui – entre des paroles pleines de dévotion et d'autres parfois nettement plus lestes, comme dans Il estoyt une fillette, dont le « qui voulait sçavoir le jeu d'amours » devient « que le fils de Dieu voulut aymer », savoureuse superposition entre amour spirituel et désir on ne peut plus charnel. Jean Bourdichon Nativité BNF Latin 9474On sera sans doute plus étonné de voir également l'inspiration populaire se faufiler jusque dans l'ordinaire de la messe, comme dans le Kyrie de la Missa Noe noe de Jacques Arcadelt, fondée sur le motet Noe noe psallite de Jean Mouton, et donnée ici dans une version dont les tropes (interpolations) en français content l'histoire de la Nativité. Enfin, et c'est une de ses forces, ce programme fait percevoir que les querelles religieuses qui déchirèrent la France durant le XVIe siècle laissèrent des traces dans un répertoire que l'on aurait tort de réduire à sa dimension pastorale. Si les catholiques donnent de la voix dans Vous perdez temps, heretiques infames, de blasonner contre la saincte Vierge, les protestants ne sont pas en reste de persiflage dans L'on sonne une cloche qui, sur l'air de Harri bourriquet, ce qui veut déjà tout dire, moque, entre autres, la transsubstantiation et le peu de cas fait par les prêtres du texte des Évangiles, tandis qu'Esprits divins, chantons dans la nuit sainte incarne le versant sérieux de ces psaumes conçus pour être chantés ès maisons, comme on le disait alors.

Les alternances entre expression publique et privée, savante et populaire de la piété ont été parfaitement comprises par l'Ensemble Clément Janequin et le Trio Musica Humana. Cette intelligence du contexte et du propos, portée par un engagement de tous les instants, fait de cette anthologie un projet continûment passionnant et souvent extrêmement séduisant. La longue fréquentation qu'ont les musiciens de ce répertoire leur permet de trouver naturellement le ton juste, en particulier dans les pièces d'inspiration vernaculaire qui sont restituées de façon inspirée, savoureuse, énergique, volontiers théâtrale, sous la conduite d'un Dominique Visse dont la gourmandise à les diriger est palpable et a sans aucun doute joué un rôle essentiel pour souder et galvaniser l'équipe réunie autour de lui. Je suis un peu moins convaincu par la prestation du contre-ténor dans les œuvres polyphoniques savantes, Trio Musica Humana & Dominique Vissedans la mesure où sa voix a parfois tendance à « dépasser » de la texture globale en montrant des signes de tension et d'usure quelquefois gênants. Si j'excepte cette réserve et la légère déception d'entendre les quelques pages instrumentales proposées jouées sur un orgue positif impuissant à leur rendre pleinement justice en termes de couleurs, cette réalisation qui fait la part belle aux contrastes et aux ambiances avec, par instants, une atmosphère de veillée champêtre très plaisante offrant un contrepoint bienvenu aux élaborations plus raffinées que l'on imagine liées à la pratique des chantres professionnels exerçant leur art dans les centres urbains, est une réussite, avec un programme riche, judicieusement construit et d'une grande cohérence en dépit de la diversité des morceaux documentés. Servi par des voix expertes, globalement agiles, avec des timbres bien différenciés qui créent une véritable dynamique interne, enregistré avec la précision qu'on lui connaît par Aline Blondiau, Au sainct Nau est, mieux qu'un assemblage de pure circonstance, un disque qui vous conduira de découverte en découverte en vous faisant percevoir quelque chose du véritable esprit de Noël, tout d'attente fervente, de piété simple et de joie partagée.

 

Au sainct Nau Ensemble Clément Janequin Trio Musica HumanaAu sainct Nau, œuvres d'Eustache du Caurroy, Jean Mouton, Jacques Arcadelt, Clément Janequin, Claudin de Sermizy, Loyset Pieton, Guillaume Costeley, Claude Goudimel et anonymes

 

Ensemble Clément Janequin
Yoann Moulin, orgue
Dominique Visse, contre-ténor & direction
Trio Musica Humana

 

1 CD [durée totale : 65'34"] Alpha 198. Ce disque peut être acheté chez votre disquaire ou en suivant ce lien.

 

Extraits proposés :

 

1. Conditor alme syderum
1bis. Conditor en françois

 

2. Jacques Arcadelt, Missa Noe noe : Kyrie

 

3. Claudin de Sermizy, Dison Nau à pleine teste

 

4. Claude Goudimel, Esprits divins, chantons dans la nuit sainte

 

Illustrations complémentaires :

 

La Grande Bible des Noëls, imprimée par Benoît Rigaud à Lyon en 1550. Lyon, Bibliothèque Municipale — l'intégralité du recueil peut être consultée en suivant ce lien.

 

Jean Bourdichon (Tours, c.1457-c.1521), Nativité, c.1503-1508. Enluminure sur parchemin, 30 x 19 cm (feuillet), in Grandes Heures d'Anne de Bretagne, manuscrit Latin 9474, fol. 51 v, Paris, Bibliothèque nationale de France — l'intégralité du manuscrit peut être consultée en suivant ce lien.

 

Photographie du Trio Musica Humana et de Dominique Visse sans mention d'auteur.

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27 novembre 2014 4 27 /11 /novembre /2014 07:31

 

Interpol El Pintor

Il y a quatre ans, on avait laissé Interpol dans un sale état, à l'image fracassée de la pochette d'un album éponyme dont on peinait à sauver plus de trois chansons, le disque d'un groupe à bout de souffle dont l'inspiration patinait et se révélait une nouvelle fois incapable, après la dispersion de Our love to admire (2007), de prolonger l'enchantement de ses deux premiers opus, le foudroyant Turn on the bright lights (2002) et le (très) relativement plus apaisé Antics (2004). On sentait confusément que 2010 marquerait un point de non-retour, qu'il devait se passer quelque chose de suffisamment fort pour faire repartir une machine qui se grippait à force d'atermoiements entre répétition de formules à succès et aspiration à arpenter de nouveaux chemins. Le bassiste Carlos Dengler claqua la porte, le quatuor devint trio, condamné à repenser son équilibre sans ce pilier majeur, à se réinventer de l'intérieur. De cette douloureuse mutation naquit El Pintor, paru au début du mois de septembre 2014.

D'une certaine façon, l'atmosphère de ce cinquième album pourrait être résumée par le titre de son morceau d'ouverture, All the rage back home, tant il semble évident que Paul Banks, Daniel Kessler et Samuel Fogarino ont fini par retrouver l'énergie farouche, menaçante, orageuse qui donne à la musique d'Interpol la pulsation fiévreuse que l'on perçoit en filigrane de ses accès de rage rentrée et qui la distingue du tout-venant. Il y a peu d'éclaircies durant les quarante minutes d'El Pintor, un disque concentré qui ne s'embarrasse guère de fioritures et avance souvent les mâchoires serrées dans une atmosphère lourde d'une tension électrique qui porte encore les traces du combat qui l'a engendré. Puisque son titre anagrammatique – sans doute le plus intelligent de l'année – nous invite à filer la métaphore picturale, c'est le mot de monochrome qui s'impose ici, la variété étant apportée par de multiples variations dans les détails, les textures et les éclairages qui font surgir de cette manière noire des paysages parfaitement différenciés. Paul Banks qui, soit dit en passant, n'a jamais aussi bien chanté qu'ici, a beau asséner, l'air faussement détaché, « fuck the ancient ways » dès les premières secondes du percutant Ancient ways, c'est bien un retour aux sources qu'opère El Pintor (Anywhere aurait sans problème pu figurer sur Turn on the bright lights), mais s'il en retrouve largement l'esprit, il permet aussi de mesurer le chemin parcouru depuis ces glorieux débuts. Certains déploreront sans doute une perte de spontanéité, voire une tendance à s'économiser – et il est vrai qu'un morceau comme Everything is wrong apparaît dangereusement paresseux, rappelant que le groupe n'est pas tout à fait sorti de sa convalescence – ou à calculer ses effets quand les deux premiers albums se dépensaient sans compter, observations toutes recevables, mais, en contrepartie, la science des atmosphères s'est considérablement développée, l'écriture musicale a gagné en raffinement et en densité. Des chansons comme My Desire, à la fois égratignée et enluminée par la guitare de Daniel Kessler, Same town, new story étonnant mélange de trouble et de fluidité, démontrent, tout comme la sensualité distanciée de My blue supreme, les lueurs inquiètes, noyées, de Breaker 1 ou les remous limoneux de Tidal wave qu'Interpol est probablement en train d'opérer une mue qui le conduit vers un langage plus complexe, des ambiances plus allusives qui risquent fort de dérouter ceux qui souhaiteraient que l'aiguille du temps reste bloquée entre 2002 et 2004. Le fait qu'El Pintor se referme sur le lancinant Twice as hard qui laisse les choses flotter dans une sorte d'entre-deux indécis n'est d'ailleurs probablement pas complètement fortuit. Au point final, on a préféré des points de suspension.

Interpol a soigné son retour et signe avec El Pintor son disque le plus réussi depuis dix ans, tant du point de vue des chansons que de la production, où la patte d'Alan Moulder est perceptible sans être envahissante. Gageons que le trio new-yorkais saura continuer à entretenir le feu sombre qui coule à nouveau dans ses veines pour poursuivre sa métamorphose et « achever de lui-même sa propre forme. »

 

Interpol El PintorInterpol, El Pintor

 

1 CD [durée totale : 39'58"] Soft Limit. Ce disque peut être acheté chez votre disquaire ou en suivant ce lien.

 

Extraits proposés :

 

1. Same town, new story
(Paroles et musique : Interpol)

 

2. Ancient ways
(Paroles et musique : Interpol)

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23 novembre 2014 7 23 /11 /novembre /2014 08:56

 

Alexandre le Grand sous l'eau

Maître anonyme, Regensburg, Bavière, XVe siècle,
Alexandre le Grand sous l'eau, c.1400-1410
Enluminure sur parchemin, 33,5 x 23,5 cm (feuillet),
Ms. 33, fol. 220 v, Los Angeles, J. Paul Getty Museum
[image en très haute définition ici]

 

Si elle n'est guère connue, en France, que de ceux qui s'intéressent à la musique ou à la poésie médiévales, la figure d'Oswald von Wolkenstein jouit, aujourd'hui encore, d'un tout autre prestige dans les contrées germanophones. Il faut dire que le caractère romanesque, picaresque même, du personnage, qui transparaît au travers des quelque 130 chansons qu'il a pris grand soin de nous transmettre, a de quoi exciter des imaginations dont il était lui-même très loin d'être avare. L'Ensemble Leones, dont je suis le travail depuis déjà quelques années sous ses différents avatars, se devait d'aborder l'univers de ce compositeur si singulier ; c'est chose faite dans un disque judicieusement intitulé Le Cosmopolite.

Oswald von Wolkenstein est sans doute, avec Guillaume de Machaut, le poète-musicien du Moyen Âge sur lequel on possède le plus d'éléments propres à nous donner une juste idée de l'homme qu'il fut. Notre Tyrolien du sud présente d'ailleurs un certain nombre de points communs avec le Champenois mort, par une curieuse coïncidence, vers la même année où il vit le jour en 1376 ou 1377, sans doute au château de Schöneck. Comme lui, il veilla à la préservation de ses œuvres qui furent probablement copiées sous sa direction, comme lui, il tira de sa propre vie – réelle ou rêvée – une part non négligeable de ses chants — au « Je, Guillaume » fait écho un tout aussi affirmatif « Ich Wolkenstein. » Fait rarissime pour l'époque, on peut même se faire une idée de son apparence, puisque l'on en possède des portraits, le plus célèbre étant celui placé en tête d'un des manuscrits (le B, conservé à la Bibliothèque d'Innsbruck, l'autre, dit A et antérieur de quelques années, se trouvant à la Bibliothèque Nationale d'Autriche à Vienne), qui nous le représente comme un homme sûr de sa valeur, dont l'œil fermé (il n'était pas borgne, l'étude de son crâne a prouvé qu'il souffrait d'un ptosis) et les traits marqués témoignent de la rudesse du parcours et sans doute, en partie, du caractère. Oswald von WolkensteinCependant, il en va de notre chevalier comme d'Albrecht Dürer : plus les témoignages s'accumulent, plus l'essentiel de l'homme semble nous échapper. Quitta-t-il vraiment sa famille, comme il l'écrit dans sa chanson autobiographique Es fügt sich, à l'âge de dix ans « avec trois sous dans [sa] bourse et un petit morceau de pain » pour tout viatique pour vaguer par les chemins et les mers ? S'il faut l'en croire, ses pérégrinations l'auraient mené, outre dans une large partie de l'Europe, jusqu'en Turquie et en Crète, le conduisant à apprendre dix langues, à exercer presque autant de métiers – marchand, palefrenier, cuisinier, entre autres –, à se frotter à de nombreuses cultures et à quelques grands, tout en apprenant à jouer des instruments. Aucune trace de sa présence au Tyrol n'est documentée avant 1400, après la mort de son père. Il s'y fixa alors, si tant est qu'on puisse parler de stabilité chez un homme que les mœurs de son temps mais aussi, probablement, sa nature vouaient à ne jamais se poser longtemps au même endroit. Dès l'année suivante, en effet, il prit part à la campagne d'Italie du roi Ruprecht von der Pfalz, quelques années plus tard, il était en Palestine, puis à Venise, puis au Concile de Constance (1414-1418) où il effectua des missions diplomatiques pour le compte du roi Sigismond, autant d'incessants voyages qui finirent par mettre à mal sa situation financière et induisirent, par ricochet, des tensions familiales autour de sombres affaires d'héritage. Oswald finit par se marier en 1417 à Margareta von Schwangau qui apparaîtra dans nombre de ses chansons et lui donnera sept enfants ; il semble bien qu'une véritable complicité unissait les époux et elle dut se révéler précieuse lorsque, par deux fois, le poète alla tâter de la geôle pour des problèmes liés à la possession du château de Hauenstein. Ce n'est qu'à partir du milieu des années 1430 que le cours tumultueux de l'existence du chevalier s'apaisa, ce qui lui permit de se concentrer sur la transmission de ses œuvres dont il avait commencé à se préoccuper dès 1425. C'est en seigneur local apaisé qu'il mourut à Merano au début d'août 1445.

Les chansons d'Oswald von Wolkenstein sont passionnantes à plus d'un titre, car elles s'inscrivent dans une tradition clairement identifiée, celle des Minnesänger, qu'elles transcendent par la force de leur invention mais aussi par les éléments extrinsèques qu'elles y introduisent et qui attestent de la réceptivité du compositeur aux différents courants de la musique européenne avec lesquels il entra en contact direct lors de ses nombreux voyages mais aussi à l'occasion des conciles de Constance et de Bâle, auxquels il participa. Cette perméabilité est particulièrement flagrante dans les pièces polyphoniques qui empruntent à des modèles italiens (Questa fanciulla de Francesco Landini) et surtout français, comme le célèbre Par maintes foys de Jean Vaillant et ses onomatopées ornithologiques, pour ne citer que deux exemples. Plus globalement, ce qui rend ces chansons fascinantes est le mélange qu'elles proposent entre élaboration savante et spontanéité, Konrad Witz Le roi Salomon et la reine de Sabace qui les rend extrêmement vivantes en donnant la sensation que cette musique en réalité très pensée s'élabore presque sous nos yeux — le caractère rhapsodique de Durch aubenteuer tal und perg, vaste récit des malheurs de son auteur et de son séjour en prison, est à ce titre frappant, d'autant que l'interprétation proposée est magistrale. Outre ses textes autobiographiques, Oswald s'autorise à aborder de nombreux sujets avec une totale liberté de ton, qu'il s'agisse de politique ou de sexualité, et s'il décrit avec un indiscutable sens du pittoresque l'univers de tavernes, on le découvre également d'une grande délicatesse dans l'évocation du sentiment amoureux (Nu rue mit sorgen et la magnifique chanson d'aube Es seusst dort her von orient, là encore dans une lecture très aboutie) et d'une piété fervente lorsqu'il évoque la Vierge dans Wer ist, die da durchleuchtet. Soulignons, pour finir, que la volonté d'universalisme que l'on sent en filigrane de la production oswaldienne, mûrie de chemins en galères, d'affrontements guerriers en rassemblements œcuméniques, et qui brasse sans complexes de nombreux genres mais aussi un nombre incroyable de langues – cinq dans Bog de primi, was dustu da, sept dans Do fraig amors –, peut être regardée non pas comme l’éveil à, car ce processus était déjà en cours dans les territoires septentrionaux, mais comme la prise de conscience d'une véritable dimension qu'avec un regard rétrospectif nous pouvons qualifier de renaissante.

L'Ensemble Leones n'est évidemment pas le premier à se pencher sur l'œuvre d'Oswald von Wolkenstein qui a suscité l'intérêt d'interprètes très différents, du pionnier Thomas Binkley (EMI, 1970) au très inattendu Andreas Scholl qui a signé en se penchant sur ces chansons son disque le plus ambitieux (Harmonia Mundi, 2010), en passant par l'Ensemble für Frühe Musik Augsburg (Christophorus, 1988), Philipp Pickett (L'Oiseau-Lyre, 1994) et, bien sûr, Sequentia (DHM, 1993) pour ne citer que les réalisations les plus marquantes. L'évolution dans la restitution de ces musiques a nettement évolué, les interprètes d'aujourd'hui ayant, avec raison, pris leurs distances avec l'esthétique du rauque qui a longtemps été de mise car supposément plus conforme à l'image de rude chevalier qu'on se faisait de leur auteur. Si cette rugosité n'est pas absente, il faut garder présent à l'esprit que la période d'activité d'Oswald correspond à l'apogée du weicher Stil, cet art pictural plein d'élégance et de suavité, mais aussi à l'observation minutieuse de la nature que symbolise un Konrad Witz. Une des grandes réussites de la proposition de l'Ensemble Leones est d'avoir parfaitement intégré cette diversité de paramètres et d'en proposer une synthèse de bout en bout convaincante. Ensemble Leones ©Björn TrotzkiLes musiciens ont choisi d'offrir de la manière oswaldienne une image aussi diverse que possible, en variant les effectifs et en ponctuant un programme aux ambitions tant artistiques que musicologiques certaines, conçu avec une indéniable pertinence, de pauses instrumentales qui permettent de bien mettre en valeur les différentes couleurs d'un riche instrumentarium. L'équipe réunie autour de Marc Lewon n'appelle que des éloges. Les chanteurs sont excellents, non seulement du point de vue technique, mais aussi et surtout expressif ; l'appropriation des textes, aidée par un travail en profondeur sur la langue, la prononciation et la métrique, est évidente, l'investissement pour en rendre les moindres nuances et la poésie ne l'est pas moins. On pourrait reprendre exactement les mêmes termes pour qualifier la prestation des instrumentistes, dont la netteté de trait et d'intonation mais aussi la virtuosité et le pouvoir d'évocation sont assez enthousiasmants. À l'image de l'itinéraire du compositeur qu'elle documente, cette anthologie est un voyage, sans temps mort, sans ennui, car la parfaite caractérisation de chaque pièce en fait un paysage nouveau et plein de surprises que l'on se plaît à contempler. Ajoutez à tout ceci une intelligence, un engagement et une émotion de tous les instants – si vous pensez que ni la musique médiévale, ni la langue allemande ne peuvent être touchantes et palpitantes, cette anthologie risque fort de vous conduire à réviser votre position – et vous obtiendrez tout simplement le disque Oswald von Wolkenstein à acquérir en priorité et un des plus beaux enregistrements de musique médiévale de l'année. On espère vivement que l'Ensemble Leones et son éditeur auront la bonne idée de lui donner une suite, d'autres chansons méritent de bénéficier à leur tour d'une approche d'une aussi haute qualité.

 

Wolkenstein Cosmopolitan Ensemble LeonesOswald von Wolkenstein (c.1376/77-1445), The Cosmopolitan : chansons

 

Ensemble Leones
Els Janssens-Vanmunster, voix
Miriam Andersén, voix, harpe, corne, hochet
Tobie Miller, voix, vièle à roue
Baptiste Romain, vièle à archet, cornemuse
Liane Ehlich, flûte traversière

 

Marc Lewon, voix, luth, cistre, vièle à archet & direction

 

incontournable passee des arts1 CD [durée totale : 79'45"] Christophorus CHR 77379. Incontournable de Passée des arts. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.

 

Extraits proposés :

 

1. Do fraig amors (Kl 69)

 

2. Wer ist, die da durchleuchtet (Kl 13)

 

3. Mit gúnstichem herzen (Kl 71)

 

Illustrations complémentaires :

 

Maître anonyme, École de Pisanello ? (c.1395-c.1455), Oswald von Wolkenstein, c.1432. Miniature sur parchemin, Innsbruck, Universitäts- und Landesbibliothek Tirol

 

Konrad Witz (Rottweil, c.1400?-Bâle, c.1445), Salomon et la reine de Saba (fragment du Retable du miroir du salut pour l'Église Saint-Léonard de Bâle), c.1435. Technique mixte sur bois, 85 x 79 cm, Berlin, Staatliche Museen (image en bonne définition en cliquant dessus)

 

La photographie de l'Ensemble Leones est de Björn Trotzki.

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16 novembre 2014 7 16 /11 /novembre /2014 09:19

 

Francesco Trevisani Le Christ mort soutenu par les anges

Francesco Trevisani (Capodistria, 1656-Rome, 1746),
Le Christ mort soutenu par deux anges, c.1710
Huile sur toile, 130,8 x 97,2 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art
[image en haute définition ici]

 

Depuis qu'elle a retrouvé la faveur des interprètes, la musique de Jan Dismas Zelenka ne cesse de conquérir les audiences, au disque comme au concert, à tel point que certains ensembles tchèques se sont presque spécialisés dans son interprétation, comme le Collegium 1704 et surtout le remarquable et trop peu connu, en grande partie à cause d'une distribution déficiente, Ensemble Inégal. Les Lamentationes Jeremiæ Prophetæ ZWV 53 font sans doute partie de ses partitions les plus fréquemment enregistrées sans qu'aucune version ne soit réellement parvenue à s'imposer ; c'est aujourd'hui au Collegium Marianum, lui aussi basé à Prague, de nous en livrer sa vision.

 

Zelenka composa son principal cycle de Lamentations en 1722 (il existe également trois leçons pour le Samedi saint, ZWV 54, écrites un an plus tard pour alto, ténor, basse et basse continue, d'une grande sobriété et très liées au chant grégorien) pour la cour catholique de Dresde, cité dans laquelle il s'était installé depuis une dizaine d'années en qualité de joueur de violone et où il devait connaître une carrière en demi-teintes, le plus clair symbole de la difficulté qu'il eut à s'imposer étant son échec, malgré l'énergie qu'il déploya pour y parvenir notamment en s'illustrant par ses capacités de compositeur, à se faire nommer Kapellmeister de la Chapelle royale à la mort de Johann David Heinichen en 1729, ce poste échéant finalement en 1733 à Johann Adolf Hasse, sur lequel le roi Friedrich August I et son successeur fondaient les espoirs de rayonnement opératique de leur ville. Il n'est guère étonnant, dans ces conditions, que Zelenka soit, sans jamais rompre avec la cour de Dresde, allé chercher meilleure reconnaissance ailleurs, à Prague en particulier, où on sut lui faire bon accueil, comme le démontrent, entre autres, le succès de son Melodrama de Sancto Wenceslao ZWV 175 qui y fut créé en 1723 ou la présence d'un manuscrit attestant d'une exécution de sa Missa nativitatis Domini ZWV 8 en 1736.

Telles qu'elles nous ont été transmises, les Lamentationes Jeremiæ Prophetæ de Zelenka sont incomplètes puisque seules deux des trois leçons pour chaque jour ont été mises en musique. Bellotto Canaletto Dresde vue de la rive droite de l'Elbe dElles emploient trois solistes vocaux (alto, ténor, basse) et un orchestre réduit, pour les Mercredi et Jeudi saints, à une paire de hautbois, cordes et basse continue, qui s'élargit, pour le Vendredi saint, à deux flûtes et deux violoncelles dans la première leçon, et à un violon soliste, chalumeau et basson dans la seconde, cet ensemble instrumental qui, littéralement, reprend des couleurs pouvant sans doute se lire comme un symbole de la Résurrection qui va bientôt survenir, cette certitude, pour le croyant, étant encore soulignée par l'emploi de tonalités douces comme la majeur et fa majeur, cette dernière refermant le cycle sur une atmosphère où la voix d'alto (symbolisant souvent celle de l'âme) fait souffler un apaisement confiant, encore souligné par les sonorités chaleureuses du chalumeau. Les quatre leçons précédentes présentaient plus de gravité, et ce n'est certainement pas complètement par hasard que Zelenka débute et clôt ce que la similarité de sa distribution conduit à percevoir comme un ensemble à part entière avec la voix de basse et des tonalités mineures, respectivement ut et sol, comme s'il souhaitait sertir les leçons « centrales » en majeur, pour alto en fa et pour ténor en si, empreintes d'une résignation presque douce dont les larmes ruissellent suavement, dans un cadre plus sombre et dramatique. Tout au long de ces Lamentations, le compositeur fait montre de l'habileté de coloriste, y compris lorsqu'il se cantonne à une palette relativement restreinte, mais aussi de la théâtralité qui le rendent aujourd'hui si prisé ; les lettres hébraïques se voient ainsi enluminées avec science et volubilité (deux exemples saisissants sont Jod, dans la Première leçon du Jeudi, qui fait songer au début d'une aria, et Samech, dans la Deuxième leçon du même jour, avec son hautbois obligé), tel mot est illustré par un madrigalisme (sur amaratudine, par exemple, dans la Première leçon du Mercredi), telle modulation vient subitement apporter sa touche de dolorisme ou de lumière. Ce qui, enfin, retient particulièrement l'attention dans cette œuvre est qu'en observant la relative retenue qui sied à sa destination sacrée, elle fait une belle place au style galant qui renforce considérablement son pouvoir de séduction ; si les quatre premières leçons ne s'en privent pas à l'occasion, les deux dernières regardent, elles, souvent et résolument du côté du monde profane avec une ligne vocale parfois clairement opératique qui dialogue sans complexe avec les instruments obligés, ces derniers multipliant, de leur côté, les passages ornés ou concertants. On a donc ici une démonstration supplémentaire de la perméabilité permanente entre deux univers que nos sensibilités modernes nous portent à considérer comme distincts alors qu'ils étaient plus étroitement mêlés par le passé.

Le Collegium Marianum, dirigé par la flûtiste Jana Semerádová, a mis les petits plats dans les grands pour enregistrer les Lamentations de Zelenka, en convoquant trois chanteurs bien connus dans le monde de la musique baroque avec lesquels l'ensemble a déjà collaboré par le passé, au disque comme au concert. S'il est globalement de bon niveau, le résultat n'est toutefois pas entièrement convaincant. En effet, si on ne trouve pas grand chose à reprocher à la basse Tomáš Král, dont la légèreté de timbre et la souplesse vocale trouvent ici un terrain idéal pour s'exprimer, et surtout au contre-ténor Damien Guillon dont les interventions exemptes de maniérisme, la netteté du phrasé et la voix chaleureuse doivent être saluées, le ténor Daniel Johannsen m'a semblé assez souvent en difficulté face aux exigences de la partition, avec pour conséquence des inégalités de registre et des crispations, en particulier dans les aigus, Collegium Marianum (c) Lukáš Kaderábek Supraphonce qui est d'autant plus dommage que ses bonnes intentions et son investissement dans ce projet sont, comme ceux de ses partenaires, patentes. La prestation de l'orchestre est, elle, de très bon niveau, avec toute la fermeté souhaitable dans l'articulation, des contrastes bien ménagés sans être exagérément surlignés et des couleurs séduisantes. Il me semble que Jana Semerádová et ses musiciens ont trouvé la bonne pulsation, un peu plus soutenue que celle de la déjà ancienne version de René Jacobs (DHM, 1983), et la juste densité pour rendre compte du caractère à la fois dramatique et galant de cette œuvre. Avec un plateau vocal plus équilibré, il ne fait guère de doute que leur lecture intelligente – l'idée de proposer chaque leçon manquante en plain-chant est judicieuse, car outre la respiration qu'elle ménage, elle rappelle l'univers des chronologiquement toutes proches Leçons pour le Samedi saint ZWV 54 mais aussi des Responsoria ZWV 55 – et incarnée se serait imposée en tête de la discographie. J'engage cependant le mélomane curieux de ce répertoire à ne pas négliger de prêter une oreille attentive à cette réalisation, car le plaisir qu'elle procure demeure nettement supérieur à la frustration qu'elle engendre parfois.

 

Zelenka Lamentations Collegium MarianumJan Dismas Zelenka (1679-1745), Lamentationes Jeremiæ Prophetæ ZWV 53

 

Damien Guillon, contre-ténor
Daniel Johannsen, ténor
Tomáš Král, basse

 

Collegium Marianum
Jana Semerádová, direction & flûte traversière

 

1 CD [durée totale : 74'15"] Supraphon SU 4173-2. Ce disque peut être acheté chez votre disquaire ou en suivant ce lien.

 

Extraits proposés :

 

1. Seconde Lamentation pour le Mercredi Saint
(fa majeur, contre-ténor, deux hautbois ripieno, cordes & basse continue)

 

2. Seconde Lamentation pour le Jeudi Saint
(sol mineur, basse, deux hautbois, cordes & basse continue)

 

Illustrations complémentaires :

 

Bernardo Bellotto, dit Canaletto (Venise, 1721-Varsovie, 1780), Dresde vue de la rive droite de l'Elbe, 1748 (détail). Huile sur toile, 133 x 237 cm, Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister (tableau complet et en haute définition en cliquant sur l'image ou en suivant ce lien)

 

La photographie du Collegium Marianum est de Lukáš Kaderábek pour Supraphon.

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11 novembre 2014 2 11 /11 /novembre /2014 17:27

01 Vox Luminis août 2014 (c) Robin H Davies

Vox Luminis (Lionel Meunier, Lisa Goldberg), août 2014
Photographie © Robin .H. Davies

 

Cher Guillaume,

 

Les semaines défilent à une vitesse folle, si bien que nous finirons par être à Noël avant que j'aie terminé de te raconter les concerts de cette fin d'été normande. Tu as raison de me rappeler ma promesse et je vais donc clore ma série de relations sur ce qui a représenté pour beaucoup, dont ton serviteur, l'apothéose de cette édition 2014 du festival de l'Académie Bach.

 

Je te laisse imaginer l'impatience qui était la mienne d'entendre en direct Vox Luminis, dont j'ai commencé très tôt à suivre le travail, avant que le succès mérité de son disque Schütz fasse de lui un des ensembles de musique ancienne qui comptent aujourd'hui ; peut-être te souviens-tu de l'entretien que son directeur musical, Lionel Meunier, m'avait accordé il y a maintenant quatre ans et qui montre, à la relecture, le trajet que ses musiciens et lui ont parcouru depuis. Je suis naturellement méfiant envers ces grandes attentes qui font naître tant d'espérances que tout occupés d'elles, nous ne nous apercevons pas qu'elles sont devenues si démesurées qu'elles risquent de nous laisser déçus.

J'ai eu la chance, là encore, d'assister aux répétitions du concert du soir et il ne m'a pas fallu très longtemps pour commencer à saisir ce qui fait de Vox Luminis un ensemble à part. 02 Vox Luminis août 2014 (c) Robin H DaviesIl y a, tout d'abord, un travail de fond sur le texte qui est au cœur même de sa démarche ; on reproche souvent à certains de ses confrères, parfois non sans raison, de faire preuve, sur ce point, d'une désinvolture qui affadit leurs propositions. Avec Lionel Meunier et ses chantres, le verbe s'incarne puissamment pour mieux venir toucher l'auditeur, qu'il le caresse ou le bouscule, et la musique est tout sauf une tapisserie joliment décorative que l'on regarde mollement en sirotant une tasse de thé tiède sur les coussins d'un salon douillet. Il y a ensuite des individualités remarquables à tous les pupitres, vocaux comme instrumentaux, qui savent mettre toute leur richesse technique et expressive au service du collectif, chacun ne cherchant pas à être meilleur que son voisin mais à chanter de la façon la plus libérée possible, sans autre contrainte que celles fixées par le compositeur sur sa partition. Ce qui impressionne, enfin, est l'unité qui existe entre des musiciens qui savent échanger et s'écouter mutuellement mais qui, une fois la ligne interprétative fixée, s'y tiennent avec une discipline et une conviction également remarquables.

Cette approche conjuguant souplesse et minutie (cette dernière regardant non seulement l'articulation du texte et de la musique, mais aussi l'acoustique) s'est révélée payante durant tout le concert qui proposait un parcours en compagnie de trois grands noms de la cantate germanique, Pachelbel, dont le trop célèbre Canon et Gigue est le chétif arbrisseau qui cache une forêt d’œuvres tout à fait dignes d'intérêt et qu'on ne se soucie hélas plus guère de mettre en valeur aujourd'hui, Buxtehude qui a, lui, retrouvé sa place éminente dans l'histoire de la musique et pas seulement parce qu'il fut l'un des modèles du troisième compositeur du programme, Johann Sebastian Bach. Le choix et l'agencement des différentes œuvres avaient été pensés avec beaucoup d'intelligence afin de ménager une progression dramatique de la jubilation tranquille 03 Vox Luminis août 2014 (c) Robin H Daviesde la cantate Was Gott tut, das ist wohlgetan de Pachelbel, une partition dans laquelle le choral joue un puissant rôle unificateur, aux climats contrastés de la partita sur le même thème, dont Bach se souviendra de la richesse d'invention (sa famille était liée à Pachelbel et on a retrouvé trois pièces d'orgue de son aîné copiées par ses soins), puis aux atmosphères plus méditatives du magnifique Christ lag in Todesbanden, qui constitue une des nombreuses preuves que l'inspiration du Cantor de Leipzig ne lui tombait pas du ciel, et des deux pièces de Buxtehude, une passacaille instrumentale suivie d'une vocale, ce Jesu meines Lebens Leben auquel son ostinato s'ouvrant sur ce symbole doloriste qu'est le tétracorde descendant apporte une mélancolie à la fois douce et poignante. À la fin de cette première partie, l'émotion était déjà telle que les bravos fusaient de partout, mais il faut dire que tant sur le plan instrumental – je pense qu'on entendra parler à nouveau de Jacek Kurzydło, premier violon au jeu techniquement impeccable et d'une sensibilité à la fois déliée et frémissante – que vocal, où sa cohésion, son expressivité sans maniérismes, en particulier du côté des contre-ténors dont l'absence d'afféterie m'a ravi, mais aussi la haute tenue des prestations solistes – Zsuzsi Tóth lumineuse comme à son habitude, Stefanie True d'un grand raffinement de timbre, la révélation ayant été, pour moi, Robert Buckland auquel son éloquence enflammée devrait logiquement valoir, demain, de tenir des rôles d'Évangéliste –, la très haute tenue de la prestation de Vox Luminis désarmait la critique, ma seule réserve touchant l'interprétation un rien trop timide des pièces d'orgue solistes par Marcin Szelest, par ailleurs continuiste attentif et pertinent.

Le second volet du concert, dédié à Bach, débutait dans la même atmosphère douloureuse sur laquelle le précédent s'était refermé avec celle que l'on pense être, si l'on admet son authenticité, la toute première cantate de Johann Sebastian, Nach dir, Herr, verlanget mich BWV 150, qui utilise déjà la tonalité de si mineur pour traduire l'imploration et s'achève sur une chaconne, une forme circulaire pour mieux signifier que le secours de Dieu ne fait jamais défaut au croyant pris dans les vicissitudes du quotidien ; dans cette œuvre comme dans Christ lag in Todesbanden BWV 718 pour orgue qui la suivait, on sent à quel point le musicien a été attentif à la leçon de Buxtehude et combien elle a laissé une empreinte indélébile sur son style. 04 Lionel Meunier Vox Luminis août 2014 (c) Robin H DaviesEn guise de finale, nous était proposée la brève et peut-être fragmentaire cantate Der Herr denket an uns BWV 196, sans doute composée pour un mariage et dans laquelle Bach opère une fusion séduisante entre éléments sacrés et profanes, une belle façon de prendre congé sur une note de douceur joyeuse.

J'avoue que j'étais curieux d'entendre ce que Vox Luminis pourrait offrir dans la musique du Cantor dans la mesure où, dans mon esprit, cet ensemble est principalement lié au XVIIe siècle. Que dire d'autre, sinon que mon bonheur a été complet tant les musiciens ont démontré d'intelligence de ce répertoire dont, à force de travail, ils ont compris l'essentiel des enjeux et des exigences, et qu'ils restituent avec une fluidité, un naturel, une science et une simplicité qui font mouche à chaque mesure. Je me suis même pris à rêver que leur interprétation qui me semble opérer une synthèse convaincante entre l'attention au verbe des anciens (Leonhardt et Harnoncourt), l'esthétisme de Herreweghe, la probité de Suzuki, l'impulsion dramatique et dansante de Gardiner, et la clarté des textures des tenants du « un chanteur par partie » (Pierlot, Kuijken...) puisse inciter leur maison de disques à leur confier sinon une intégrale, au moins une vaste anthologie des cantates.

 

J'attendais beaucoup ; j'ai été comblé. Ne trouves-tu pas, cher Guillaume, que ce sentiment d'accomplissement est ce que l'on peut rêver de mieux pour mettre un point final à ces quatre lettres ? J'espère que tu auras pris autant de plaisir à les parcourir que moi à les rédiger à ton intention, et surtout qu'elles t'auront donné l'envie de te rendre à ton tour en Normandie pour assister à l'édition 2015 du festival, dont je gage qu'elle sera riche de découvertes et d'émotions. Ce serait, en tout cas, un sincère plaisir de partager un bout de banc d'église avec toi.

 

Porte-toi bien et sois heureux.

 

Académie Bach 17e festival 20-23 08 2014Académie Bach d'Arques-la-Bataille, Festival de musique ancienne, samedi 23 août 2014, Église d'Arques-la-Bataille

 

Johann Pachelbel (1653-1706), Was Gott tut, das ist wohlgetan, cantate, Was Gott tut, das ist wohlgetan, partita, Christ lag in Todesbanden, cantate, Dietrich Buxtehude (1637-1707), Passacaille en ré mineur BuxWV 161, Jesu meines Lebens Leben cantate BuxWV 62, Johann Sebastian Bach (1685-1750), Nach dir, Herr, verlanget mich, cantate BWV 150, Christ lag in Todesbanden BWV 718, Der Herr denket an uns cantate BWV 196

 

Vox Luminis

 

Zsuzsi Tóth & Stefanie True, sopranos
Barnabás Hegyi & Jan Kullman, contre-ténors
Robert Buckland & Philippe Froeliger, ténors
Lionel Meunier & Hugo Oliveira, basses

 

Jacek Kurzydło & Annegret Hoffmann, violons
Antina Hugosson & Wendy Ruymen, altos
Anton Baba, violoncelle
Lisa Goldberg, basson
Joshua Cheatham, violone

 

Marcin Szelest, orgue (soliste & continuo)

 

Lionel Meunier, direction

 

Évocation musicale :

 

Johann Sebastian Bach, Der Herr denket an uns BWV 196

 

Vidéo enregistrée lors d'une répétition à la Bachkirche d'Arnstadt le 13 août 2014. Je remercie Lionel Meunier de m'avoir autorisé à l'utiliser.

 

Remerciements :

 

J'exprime toute ma reconnaissance pour la qualité et la simplicité de leur accueil à Jean-Paul Combet, qui a su faire de son Académie Bach, en dépit des vents contraires, un projet avec une véritable âme, et à Sarah Redin pour son attention discrète. Je remercie Robin .H. Davies pour ses superbes clichés et toute l'équipe des bénévoles pour sa disponibilité souriante.

 

Toutes les photographies illustrant cette chronique sont de Robin .H. Davies, utilisées avec sa permission. Toute utilisation sans l'autorisation de l'auteur est interdite.

 

2. Stefanie True, Jacek Kurzydło & Annegret Hoffmann
3. Annegret Hoffmann & Jacek Kurzydło
4. Lionel Meunier

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