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6 septembre 2010 1 06 /09 /septembre /2010 15:52

 

claude monet pont de chemin de fer argenteuil

Claude Monet (Paris, 1840-Giverny, 1926),
Le pont du chemin de fer à Argenteuil
, 1873-74.

Huile sur toile, 55 x 72 cm, Paris, Musée d’Orsay.
[cliquez sur l’image pour l’agrandir]

 

Les cycles qui rythment nos vies sont à la fois rassurants et terribles. Après les torpeurs estivales, aussi propices à l’élargissement des horizons individuels qu’aux petites manigances politiques, la rentrée nous ramène imperturbablement à la réalité du quotidien en nous faisant sentir, avec peut-être plus d’acuité que les étapes associées à périodes festives, le souffle du temps qui passe.

 

Pour l’auteur de ces lignes, qui s’efforce, depuis quelques années, d’être un observateur attentif et, je l’espère, aussi objectif que possible, de la vie culturelle, la période qui s’ouvre s’annonce riche de remises en questions ; d’une part, la fin d’un cycle professionnel et un avenir pour l’heure incertain, de l’autre, quelques frémissements encourageants en ce qui concerne le travail mené sur ce site, dont on verra bien s’ils auront une suite. De vous à moi, il n’est pas de journée où je ne m’interroge sur la validité d’un projet comme celui de Passée des arts dans l’univers précipité où nous vivons. N’y a-t-il pas quelque chose de suprêmement vain à s’obstiner à parler de musique, de peinture, ou de littérature, anciennes qui plus est, alors que tant de misères bourrèlent le monde et nécessiteraient sans doute que l’énergie déployée ici soit consacrée à tenter de leur apporter une réponse, aussi minime soit-elle ? On peut parfaitement vivre sans livres, sans musées, sans musiques, l’affaire est entendue, et certains de nos concitoyens, pour ne nous en tenir qu’à ce qui nous est proche, n’ont d’ailleurs guère d’autre choix que cette absence. Il reste à déterminer si une des clés pour résister à l’apathie d’un siècle plus que jamais livré aux menteurs et aux marchands ne réside pas, justement, dans la capacité qui existe en chacun de nous et ne demande, bien souvent, qu’à être encouragée avec bienveillance, à être curieux, à nous émerveiller, à nous interroger, à nous émouvoir, ce qui est tout le projet de ce site.

 

Quoi qu’en disent ces instruments dociles qu’on nomme statistiques, la crise qui frappe nos sociétés modernes n’est pas achevée et pourrait bien encore connaître quelques violentes répliques. Pourtant, même si le domaine de la culture n’a pas été plus épargné que les autres, l’offre n’a jamais été aussi foisonnante. Il faut, par exemple, saluer le courage et soutenir les efforts que font les « petits » labels musicaux qui opposent, en s’unissant parfois sous une bannière commune comme dans le cas d’Outhere, une réelle volonté de qualité et de diversité face à l’adiposité sommeillante de majors dont les activités se résument maintenant à resservir, en variant l’emballage, leur fonds de catalogue tout en produisant, presque par mégarde, une poignée de disques intéressants noyés dans une masse de projets douteux mais savamment promus. De semblables constats pourraient être étendus à l’édition, même si le prestige du livre, en France, évite en partie les dérives observées pour le disque, comme aux lieux patrimoniaux (musées, châteaux, etc.), dont le luxe routinier de maintes expositions qu’ils proposent ne saurait faire oublier le dynamisme de nos voisins européens ; si on applaudit à la prochaine exposition Paris 1500 du Grand Palais en regrettant que le Louvre ne se soit pas donné la peine de l’accueillir, elle ne fait néanmoins pas oublier l’ambition de De Van Eyck à Dürer à Bruges ou des rétrospectives consacrées, l’hiver prochain, à Gabriel Metsu à Amsterdam ou à Jan Gossaert à Londres. Il appartient donc à chacun d’entre nous d’être curieux et de ne pas faire le jeu des médias et des publicitaires en nous contentant d’avaler tout rond ce qu’ils s’évertuent à nous vendre, généralement du prévisible, du facile, voire du vent. Dans les rayons d’une médiathèque municipale ou d’une librairie de quartier, au détour d’une exposition d’un musée de province ou d’une petite salle de concert, le bonheur de la découverte, si nous savons être attentifs, nous attend souvent à deux pas de chez nous.

 

Je ne voudrais pas terminer ce billet sans remercier celles et ceux qui ont bien voulu me faire confiance, les musiciens dans le cadre des entretiens, ainsi que les chargés de communication de certains labels discographiques et institutions, et, par-dessus tout, les lectrices et lecteurs qui, fidèles ou de passage, honorent Passée des arts de leur présence et de leurs commentaires. C’est pour vous et par vous que ce lieu existe.

Belle rentrée à tous et à bientôt.

 

Accompagnement musical :

 

Gustave Nadaud (1820-1893), La vie moderne (1857)

 

Arnaud Marzorati, chant & direction
Daniel Isoir, piano droit (Pleyel, 1919)

 

gustave nadaud la bouche et l'oreille marzorati isoirLa bouche & l’oreille, chansons. 1 CD Alpha 160. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.

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commentaires

P
<br /> <br /> Bonjour Jean-Christophe<br /> <br /> <br /> un petit mot, comme promis, pour saluer avec un peu de retard ces interrogations de rentrée. j'ai en fait deux choses à te dire et ajouter à ce que je dis d'habitude. D'abord je pense qu'il ne<br /> faut jamais oublier le principe du plaisir, si tu prends du plaisir à écrire ce que tu écris, et si nous prenons du plaisir à te lire, alors se délivre une forme d'autonomie de la justification;<br /> rie n'est plus vain, bien au contraire. Seconde remarque, plus amusante, voilà longtemps que je voulais te dire que je donne parfoisn le soir, des cours d'Histoire de l'Art, à de belles personnes<br /> parisiennes, souvent de jeunes gens. Et il m'arrive régulièrement de les renvoyer vers ton blog... bon je ne te cache pas que parfois le retour est "on n'y comprend rien m'sieur", mais je<br /> t'assure que ce n'est pas toi qui est en cause !<br /> <br /> <br /> Avec mon amitié<br /> <br /> <br /> Philippe<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
J
<br /> <br /> Bonjour Philippe,<br /> <br /> <br /> Tu as raison, le principe du plaisir est absolument essentiel dans ce travail d'écriture et, crois-moi, s'il n'était pas présent, et à plusieurs niveaux - plaisir des mots, des recherches tant<br /> musicales qu'iconographiques, du partage avant toute chose -, j'aurais cessé de nourrir ce site depuis bien longtemps. Mais il n'en demeure pas moins qu'avoir, de temps à autre, un écho sur ce<br /> que je publie aide à avancer, en réduisant l'impression de prêcher dans le désert ; toute personne qui écrit le fait pour un lecteur et il faudrait être, à mon sens, singulièrement malhonnête<br /> pour prétendre le contraire.<br /> <br /> <br /> Ton anecdote m'a bien fait sourire (je ne savais pas que tu donnais des cours d'Histoire de l'Art), mais elle m'indique aussi qu'il me reste probablement bien des efforts à faire pour me mettre<br /> au niveau de ceux qui, n'étant pas forcément spécialistes dans tel ou tel domaine (je ne le suis pas non plus), me font l'honneur de venir me lire.<br /> <br /> <br /> Je te remercie sincèrement pour ton commentaire et te dis à bientôt.<br /> <br /> <br /> Avec ma dominicale amitié,<br /> <br /> <br /> Jean-Christophe<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> Bien sûr, il fallait lire BON week-end.<br /> <br /> <br /> S.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> J'avais rétabli, Sophie, mais ce week-end devant être plutôt studieux, votre formulation n'est peut-être pas si fautive que ça <br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> Restez là, restez vous même, ne pressez rien. C'est ainsi que vous m'êtes précieux.<br /> <br /> <br /> Sartre a dit " A quoi sert la littérature dans un monde qui a faim, à rien" ou quelque chose du genre. Mais Sartre avait tort. Des blogs comme le vôtre sont des nourritures absolument<br /> indispensables pour des temps comme les nôtres où la vacuité le dispute à la bêtise et à la prétention.<br /> <br /> <br /> Espérant vous lire et vous regarder encore longtemps. Non week-end.<br /> <br /> <br /> Sophie.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
J
<br /> <br /> Je doute bien souvent, Sophie, de la plus-value que peut représenter un site comme Passée des arts, alors qu'autour de nous la précarité fait rage et que l'abrutissement des gens avance<br /> chaque jour un peu plus, à grands renforts de publicité et de télévision.  Peut-être existe-t-il des réponses plus pertinentes à apporter à ces situations ? Quoi qu'il en soit, je<br /> continuerai à oeuvrer ici le plus paisiblement possible en espérant apporter un peu de bonheur à celles et ceux qui me font l'honneur (car c'en est un) de me lire.<br /> <br /> <br /> Excellent week-end à vous aussi et, je l'espère, à bientôt.<br /> <br /> <br /> Jean-Christophe<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Tu me pardonneras, je n'ai pas trouvé le moyen ici de changer la police ... d'ailleurs qui peut la changer ?<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Personne, pas même moi de la zone d'administration, c'est ça qui rigolo <br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> On peut parfaitement vivre sans livres, sans musées, sans musiques et j'ajouterai sans<br /> les menteurs et les marchands, en se "privant" des télés, radios, journaux et autres publicités ... dans le confinement en quelque sorte. Tu remarqueras que j'ai exclu de mon énumération les<br /> blogs qui constituent, à mes yeux, l'un des meilleurs moyens d'évasion. Puisse Passée résister longtemps, ne te laisse pas abattre par lassitude très cher Jean-Christophe.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Sais-tu, chère Marie, que je ne regarde presque pas la télévision, et que je m'abstiens le plus  que je peux du reste, à l'exception des émissions et pages culturelles ? J'essaie, dans la<br /> mesure du possible de ne pas me faire "polluer", ne serait-ce que pour ne pas céder aux effets de mode Passée<br /> (qui tente maintenant d'essaimer sur Facebook) continuera tant que celui qui l'écrit aura la force de le faire, qu'il puise dans le soutien des fidèles, au nombre duquel tu figures à une place<br /> d'honneur.<br /> <br /> <br /> <br />