Un parcours à travers les expressions artistiques, du Moyen-Âge à la première moitié du XXe siècle.
Aujourd’hui, je délaisse le fauteuil d’orchestre dans lequel certains, qui n’ont pas la moindre idée de ce qu’est réellement ma vie, imaginent que je passe le plus clair de mon temps, pour aller fouler la pelouse des stades. Trouverez-vous ce détour déplacé, vous qui venez ici pour vous accorder une respiration culturelle ? Sans doute, mais certains faits d’actualité émeuvent encore le citoyen que je suis, d’autant qu’ils font revenir sur le devant de la scène médiatique certains démons qui sont autant de furoncles sur le visage d’une société soi-disant moderne et démocratique.
Je dis parfois à mes amis, qui s’en horrifient souvent, que pour sentir le pouls du pays dans lequel nous vivons, il est plus indiqué de s’intéresser au football qu’à l’univers très sélect des concerts de musique « classique ». La nouvelle diffusée hier sur Internet en dit long sur certains courants pernicieux qui n’attendent qu’une occasion pour se manifester. Dimanche dernier, une équipe de football d’obédience musulmane, Créteil Bébel, refuse d’en rencontrer une autre, le Paris Foot Gay, qui se signale depuis 2003 pour sa lutte contre l’homophobie patente dans le milieu sportif et dans celui du football en particulier. La justification tient en quelques lignes adressées par mail : « Désolé, mais par rapport au nom de votre équipe et conformément aux principes de notre équipe, qui est une équipe de musulmans pratiquants, nous ne pouvons jouer contre vous, nos convictions sont de loin plus importantes qu’un simple match de foot, encore une fois excusez-nous de vous avoir prévenus si tard. » Ainsi, le sport, dont on nous serine à longueur de temps qu’il rapproche les peuples et abolit les différences grâce au dépassement de soi dans l’effort, ce qu’ont, bien entendu, brillamment illustré les derniers jeux olympiques de Pékin, ne serait pas exempt de situations où la religion sert de prétexte à un stupide rejet de l’autre ?
Contrairement au rugby, qui s’est très tôt rendu compte du marché que représentaient les homosexuels et a, conséquemment, opéré un virage gay friendly qui, si ses grosses ficelles financières n’étaient pas aussi apparentes, pourrait presque passer pour sincère – j’espère que personne n’est assez candide pour croire que ce sont majoritairement des femmes qui se rincent l’œil sur le calendrier des Dieux du Stade –, l’univers du football, dont les budgets sont autrement importants, peut se permettre, lui, de continuer à ignorer cette source de revenus et laisser gueuler ses meutes de supporters éventuellement casseurs de pédés. Et ce n’est pas la campagne de publicité organisée autour de la belle petite gueule de Yoann Gourcuff, promu, non sans raisons, bombe sexuelle dans Têtu, qui va faire beaucoup bouger les choses. D’ailleurs, dans l’affaire « Bébel-PFG », la Fédération française s’est empressée de botter en touche en précisant que les deux clubs ne dépendaient pas de sa juridiction, tout en protestant de sa volonté de lutter contre les discriminations. Ponce-Pilate aurait-il fait mieux ? J’en doute.
Formatage religieux, formatage par des habitudes que nul ne remet en cause, comment voulez-vous que se conduisent ceux qui, dès le plus jeune âge, auront été et sont régulièrement abreuvés des « sale pédé » proférés par leurs pères, leurs frères ou leurs copains, ce langage qui est, que nous souhaitions l’entendre ou non, la réalité d’une large part des tribunes, et non, comme on voudrait parfois le laisser croire, les débordements verbaux des seuls hooligans, ultras et autres fauves ? Mots de la haine ordinaire, injures de monsieur tout le monde, devenus tellement banals que nul n’y prend plus garde. Cette histoire bêtement écœurante favorisera sans nul de doute des amalgames nauséabonds, tant sur l’intolérance supposée des musulmans que sur les revendications lassantes des gays. Seul le problème de l’homophobie dans le milieu du sport restera entier, et il y a fort à parier que, sauf si un jour quelque star du football venait à rendre publique une orientation sexuelle différente de celle que tous sont, actuellement, supposés avoir, le ver demeurera encore longtemps dans le fruit.
Match nul, donc. Dans tous les sens du terme.
Illustration musicale :
Clarika, Les garçons dans les vestiaires.