Un parcours à travers les expressions artistiques, du Moyen-Âge à la première moitié du XXe siècle.
Le maigre catalogue de concertos légué par Haydn à la fin de sa longue carrière montre à quel point il s’est finalement peu attaché à ce genre, sans doute en partie parce qu’il avait une claire conscience de la supériorité, en la matière, de certains de ses contemporains, au premier rang desquels Mozart. Les concertos pour orgue, pour violon et pour ces deux instruments ensemble, qui font l’objet de l’enregistrement récent de l’ensemble La Divina Armonia, sont tous, des œuvres des débuts de la carrière de Haydn, avant son entrée au service des Esterházy en 1761.
Les spécialistes ont beaucoup débattu pour savoir si les concertos pour orgue étaient vraiment destinés à cet instrument ou plutôt au clavecin, Haydn ayant été lui-même plus qu’approximatif à ce sujet dans les catalogues qu’il a pu établir de ses propres compositions. Il est néanmoins permis de considérer, en suivant les constats établis en 1970 par le musicologue Georg Feder, qu’une majorité (sept sur neuf authentiques) a effectivement été pensée pour l’orgue. On avance même, mais sans aucune certitude, que le Double concerto pour violon et orgue aurait été écrit pour la prise de voile de Thérèse Keller, le 12 mai 1756 (cliquez ici). Notons, pour terminer cette brève présentation des œuvres enregistrées sur ce disque, que le Concerto pour violon en sol majeur n’apparaît sur aucun des catalogues dressés par Haydn et n’est connu que par deux sources, dont une a disparu. Son authenticité restera donc à jamais incertaine et, contrairement à ce qu’affirme le livret accompagnant cet enregistrement, je suis tenté, sur des critères stylistiques, de suivre la datation précoce que propose Marc Vignal, soit avant 1761.
Les concertos composant cette anthologie nous permettent d’entendre un Haydn encore largement tributaire de la manière baroque et dont les œuvres avec orgue s’inscrivent parfaitement dans l’esprit solennel de la musique sacrée autrichienne de son temps. Il n’est, à ce titre, pas surprenant que nombre de ces partitions aient souvent été attribuées à d’autres compositeurs actifs en même temps que lui, tels Wagenseil, Galuppi ou Michael Haydn. Afin de ne pas verser dans une appréciation trop sévère vis-à-vis d’une musique que l’on pourrait juger assez peu personnelle, il convient de garder à l’esprit que sa destination même la contraignait à obéir à un certain nombre de codes, l’ancrant plus du côté des convenances que des expérimentations les plus débridées. Néanmoins, on note, çà et là, une manière de concentrer le discours en accumulant puis en libérant l’énergie qui est déjà typique de Haydn et permet de faire pièce à une approche séquentielle du flux musical clairement baroque. Globalement, et ces remarques valent aussi pour le Concerto pour violon en sol majeur, nous avons affaire à des œuvres au climat lumineux, sereinement enjouées dans leurs mouvements initiaux (toujours assortis de l’indication moderato), d’une solennité paisible dans les médians, plus volontiers dansants dans les finals, toujours immédiatement séduisantes pour l’oreille et facilement assimilables pour l’esprit.
L’interprétation qu’en livre l’ensemble La Divina Armonia, dirigé de l’orgue par Lorenzo Ghielmi (photo ci-dessus), se signale par son équilibre, sa luminosité, et, osons le mot, par une suavité de bon aloi dans un répertoire dont la destination religieuse ne doit surtout pas être prétexte à une atmosphère contristée. Les interprètes ont parfaitement compris qu’ils se trouvaient face à des œuvres de transition entre Baroque et Classicisme ; ils ont l’intelligence de ne privilégier ni l’une ni l’autre de ces esthétiques mais, au contraire, de faire sentir comment leur alternance nourrit et construit la musique. Vigoureuse sans brusquerie, enlevée sans hâte, leur approche mise sur une légèreté qui favorise le rebond rythmique et la précision des attaques sans toutefois se départir d’une sonorité charnue, mise en valeur par une acoustique assez large mais parfaitement crédible. La prestation du violoniste Stefano Barneschi est excellente, à la fois très maîtrisée pour ce qui est de l’usage du vibrato et exempte de toute sécheresse, tandis que la volubilité jamais bavarde de Lorenzo Ghielmi à l’orgue fait merveille. Ce disque se place donc indiscutablement dans le peloton de tête de la discographie des concertos pour orgue, et parmi les plus intéressantes de celle du Concerto pour violon en sol majeur, cet avis étant appelé à être modulé à l’écoute de la version de Rachel Podger, à paraître à la mi-octobre 2009 (Channel Classics).
Voici donc une parution tout à fait recommandable pour qui souhaite faire connaissance avec certaines partitions du jeune Haydn dans les meilleures conditions possibles. On me rétorquera sans doute qu’il ne s’agit pas ici d’œuvres aussi essentielles que les quatuors ou les symphonies, mais je prends le pari que celles et ceux qui écouteront ce disque ne pourront qu’être séduits par la vitalité épanouie qui s’en dégage et comprendront également un certain nombre de choses quant à l’évolution d’un compositeur sur lequel les mélomanes n’ont pas fini d’en apprendre.
Joseph HAYDN (1732-1809), Concertos.
Concerto pour orgue en ré majeur, Hob.XVIII.2. Concerto pour orgue en ut majeur, Hob.XVIII.10. Concerto pour violon en sol majeur, Hob.VIIa.4. Concerto pour violon et orgue en fa majeur, Hob.XVIII.6.
Stefano Barneschi, violon.
La Divina Armonia.
Lorenzo Ghielmi, orgue & direction.
1 CD Passacaille 953
1. Concerto pour violon et orgue en fa majeur, Hob.XVIII.6 :
[II] Largo
2. Concerto pour orgue en ré majeur, Hob.XVIII.2 :
[III] Allegro