Un parcours à travers les expressions artistiques, du Moyen-Âge à la première moitié du XXe siècle.
La programmation des festivals d’été a largement confirmé la tendance qui s’était dessinée dès le début de l’année et le choix de la France s’est porté de façon si massive sur Haendel qu’on finit presque par se demander si nos Histoires de la musique ne sont pas truffées de coquilles et si ce ne sont pas, finalement, les œuvres du compositeur du Messie qui faisaient tourner les têtes et naître les vocations dans le Paris de la fin de l’Ancien Régime. Plaisanterie mise à part, l’hégémonie haendélienne est telle – un festival complet, celui de Beaune, lui a même été consacré – qu’elle a fini par conduire l’amateur que je suis pourtant à saturation, au point de ne plus avoir envie d’entendre la moindre note de sa musique avant quelque temps.
Dans ce contexte, le concert que donnera Martin Gester le 19 août 2009, dans le cadre du Festival de la Chaise-Dieu, est une aubaine. Le chef strasbourgeois y dirigera son Parlement de Musique et la Maîtrise de Bretagne dans des œuvres sacrées de deux des oubliés de cette année 2009, Joseph Haydn (1732-1809) et Franz Xaver Richter (1709-1789), avec, en prime, l’Offertoire en ut majeur Exaltabo te, Domine (MH 547) de Michael Haydn (1737-1806).
De Joseph Haydn a été retenue la Messe en ré mineur (dite « Nelson ») de 1798 (Hob.XXII. 11), qu’il serait plus juste de désigner par son titre authentique de Missa in angustiis (« Messe pour des temps difficiles »), œuvre d’une extrême concentration oscillant sans cesse entre espoir et inquiétude qui, de son Kyrie tourmenté et véhément aux extraordinaires fanfares de son Benedictus tendu à se rompre, jette un pont on ne peut plus clair vers le premier romantisme. De Franz Xaver Richter sera donné un Te Deum inédit, sauf erreur, dans lequel j’espère retrouver les qualités d’un compositeur qui a su concilier la rigueur du contrepoint hérité de Fux, le brillant de l’École de Mannheim et les foucades propres à ce courant venu d’Allemagne du Nord que l’on nomme Empfindsamer Stil (« style sensible »), prompt aux changements d’éclairage imprévisibles destinés à traduire le flux et le reflux des passions. Il ne fait aucun doute que Martin Gester, qui sait conjuguer, dans les répertoires qu’il aborde, élan, ferveur et subtilité, devrait faire merveille dans des œuvres où l’idiome classique est plus chahuté qu’on ne le croit. Il convient de saluer au passage la ténacité de ce chef, qui s’attache, avec beaucoup de détermination, à faire connaître les compositeurs actifs à Strasbourg au XVIIIe siècle, tels Jacques Antoine Denoyé (Messe à grand chœur et symphonie, Ambronay, 2008) ou, justement, ce Richter incompréhensiblement négligé par les interprètes, quand les quelques œuvres qui surgissent ponctuellement au catalogue d’éditeurs courageux prouvent qu’il s’agit d’un compositeur passionnant, comme l’atteste l’impressionnant Fuga e Grave en sol mineur qui illustre ce billet, trop marqué par l’Empfindsamer Stil pour être, à mes yeux, attribué à Hasse.
Si le désir vous prend de quitter, le temps d’un concert, les sentiers que tous, ou presque, auront battus et rebattus en tous sens cette année, soyez au rendez-vous dans quelques jours sur France Musique. Je gage que celles et ceux d’entre vous qui tenteront l’aventure ne seront pas déçus.
En direct du Festival de La Chaise-Dieu, France Musique, Mercredi 19 août 2009, 21 heures : « Fastes et ferveur à Vienne ». Franz Xaver Richter, Te Deum. Joseph Haydn, Missa in angustiis (« Nelson »). Michael Haydn, Exaltabo te, Domine.
Le site du Parlement de Musique peut être consulté en cliquant ici.
Franz Xaver RICHTER (1709-1789), attribution disputée avec Johan Adolf Hasse : Fuga e Grave pour cordes et basse continue en sol mineur.
Musica Antiqua Köln.
Reinhard Goebel, direction.
Hasse, Salve Regina, Motet, Sinfonie. 1 CD Archiv « al fresco » 00028947767305.
La photographie du Parlement de Musique est de Martin Bernhard.