Un parcours à travers les expressions artistiques, du Moyen-Âge à la première moitié du XXe siècle.
Connaissez-vous Gabriel Fauré ? Ma question est - volontairement - impertinente. Bien sûr que Fauré est un compositeur célèbre, il suffit d'ailleurs de voir le nombre d'enregistrements de son Requiem qui ont été et sont encore réalisés. Et puis, il y aussi l'Élégie, me direz-vous, autre page inoubliable. Ce sont un peu les deux arbres qui cachent une vaste forêt, où l'on trouve de vastes clairières de musique de chambre et de nombreux bosquets de mélodies.
Souvent considéré comme un compositeur de salon vaguement ennuyeux, la réputation de Fauré (peint, ci-contre, par John Singer Sargent vers 1889) a beaucoup souffert de son penchant revendiqué pour la pureté classique et de son aversion pour ce qu'il nommait lui-même « le gros effet ». On l'a ainsi tenu pour un musicien bien peu aventureux, comparé, par exemple, aux audacieux Wagner, Debussy ou Stravinsky, image que n'a guère arrangé la direction très ferme qu'il assura à la tête du Conservatoire de Paris à compter de 1905 et les nombreux honneurs dont il a été comblé. En fait, rien n'est moins exact que cette aura un peu poussive qui s'attache à Fauré, que son souci de clarté, de fluidité, n'empêcha jamais de produire une musique infiniment plus complexe et fuyante que ce qu'une approche superficielle peut laisser soupçonner.
Voici une de ses mélodies les plus connues, dans deux versions. L'une, originale, est pour voix et piano, l'autre est la transcription pour violoncelle et piano qu'en réalisa Pablo Casals. J'espère que vous vous laisserez gagner par son aspiration vers la lumière d'une affection partagée, quand bien même ne le serait-elle qu'à la faveur de la nuit qui emporte dans le plus doux des rêves. Fauré, qui savait bien, ayant été cruellement affecté par la rupture de ses fiançailles avec Marianne Viardot, ce qu'est un amour auquel on ne peut que rêver, a probablement mis une grande part de lui-même dans cette œuvre.
1. Mélodie pour voix et piano en ut mineur, opus 7 n°1 (1871).
Texte de Romain Bussine (1830-1899), « d'après une poésie toscane ».
Véronique Gens, soprano.
Roger Vignoles, piano.
Nuit d'étoiles, mélodies françaises. 1CD Virgin 7243 545360 2 1.
2. Transcription pour violoncelle et piano, réalisée par Pablo Casals (1910).
Xavier Gagnepain, violoncelle Gand et Bernardel, 1878.
Jean-Michel Dayez, piano Sébastien et Pierre Érard, 1902.
L'œuvre pour violoncelle et piano. 1 CD Zig-Zag Territoires ZZT070602.
Dans un sommeil que charmait ton image
je rêvais le bonheur, ardent mirage,
tes yeux étaient plus doux, ta voix pure et sonore,
tu rayonnais comme un ciel éclairé par l'aurore ;
Tu m'appelais et je quittais la terre
pour m'enfuir avec toi vers la lumière,
les cieux pour nous entr'ouvraient leurs nues,
Splendeurs inconnues, lueurs divines entrevues.
Hélas ! Hélas, triste réveil des songes,
Je t'appelle, ô nuit, rends-moi tes mensonges ;
Reviens, reviens, radieuse,
Reviens, ô nuit mystérieuse !