Un parcours à travers les expressions artistiques, du Moyen-Âge à la première moitié du XXe siècle.
Jean-François MILLET (Gréville, Manche, 1814-Barbizon, 1875),
Le printemps, 1868-1873.
Huile sur toile, Paris, Musée d'Orsay.
Depuis un peu plus d'un mois maintenant, j'ai refermé la porte de certain Jardin pour débuter ici une nouvelle aventure. Je remercie toutes celles et tous ceux qui, avec une belle fidélité, continuent à honorer de leurs visites et de leurs commentaires tant Passée des arts que Vermischter Stil où ma complice Ghislaine et moi faisons plume commune.
Je me suis déjà exprimé, parfois avec un peu de vivacité, sur un sujet dont le pouvoir politique en place a fait une sorte de hochet à agiter sporadiquement, particulièrement en temps de crise, afin de tenter de distraire l'attention du plus grand nombre de problèmes plus immédiatement concrets : « l'identité culturelle française ». Sans m'appesantir plus que de raison sur la dissonance que provoque la défense de cette idée par ceux qui n'ont pas assez de couteaux pour tenter d'assassiner tant Madame de Clèves que la syntaxe du français, mes fréquentes incursions sur Internet, en particulier sur les blogs francophones parlant musique, m'ont conduit à constater que si on y trouve des contributions, souvent remarquables, tant sur la musique italienne, allemande, voire anglaise, la musique française y fait souvent figure de parent pauvre, sauf, peut-être, celle de la période du règne de Louis XIV. Aussi ai-je décidé de créer sur ce blog une rubrique qui sera spécifiquement dédiée aux compositeurs français au sens large, puisqu'y prendront également place des musiciens étrangers ayant fait la plus large partie de leur carrière en France, tels, entre autres, du Mont, Rigel ou Chopin. J'ai emprunté, avec un brin d'ironie, au champ lexical habituellement dévolu à la linguistique pour baptiser Gallicismes cette nouvelle venue, dans laquelle vous trouverez, au fil du temps, la palette la plus large possible de compositeurs et de genres musicaux sur une période allant du XVIe au XXe siècles.
Une rubrique cocorico, alors ? Si certains l'imaginent, ils seront déçus. Le nationalisme n'a pas sa place ici, pour deux raisons simples. La première est que considérer la musique française - toute musique - séparément d'un large réseau d'influences majoritairement, mais pas exclusivement, européennes est une idiotie. Tenter d'expliquer Charpentier sans Carissimi ou Berlioz sans Beethoven revient au même qu'appréhender de la Tour en faisant fi de Caravage ou Hugo en ignorant Shakespeare : une impasse. La seconde est tout personnelle, la moitié de sang étranger qui coule dans mes veines ne m'incitant guère, en dépit d'un profond sentiment d'ancrage culturel français, à faire de la cocarde tricolore une boussole ou une béquille. Tout mon propos sera donc de proposer, dans la mesure de mes capacités, un tour d'horizon aussi vaste que possible d'un patrimoine musical souvent ignoré, quelquefois vilipendé voire menacé, sans entrer dans le jeu futile des hiérarchies. Il est, à mon sens, grand temps que nous prenions vraiment conscience du fabuleux héritage qui est le nôtre. Puissent donc ces futurs Frissons français, pour reprendre le titre d'un récent et remarquable récital de Susan Graham, être pour vous ceux que l'on éprouve quand s'invite le plaisir à l'instant des agréables surprises ou des retrouvailles.
Claude DEBUSSY (1862-1918) : Apparition, mélodie pour voix et piano sur un poème de Stéphane Mallarmé, 1884.
Sandrine Piau, soprano.
Jos van Immerseel, piano Érard 1897.
Mélodies. 1 CD Naïve V 4932.
Texte de la mélodie :
La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
- C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au cœur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'œil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.