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8 août 2009 6 08 /08 /août /2009 16:49



Attribué à Giacomo FARELLI (Rome ?, 1624-Naples, 1706),
Déploration sur le corps du Christ, sans date.
Huile sur toile, Nantes, Musée des Beaux-Arts.

 

L’année 2009 pourrait bien marquer une nouvelle heureuse étape dans le partenariat qui unit le Collegium 1704 et le Festival de Sablé. Un petit retour en arrière s’impose pour celles et ceux qui auraient manqué l’épisode précédent. En 2007, l’ensemble vocal et instrumental praguois dirigé par Václav Luks, spécialiste des claviers anciens, connaît un succès éclatant en interprétant, dans le cadre de la 29e édition du Festival, la Missa votiva de Jan Dismas Zelenka (1679-1745). Fort logiquement et heureusement, cette prestation est confiée au disque par le remarquable label Zig-Zag Territoires et connaît un accueil critique très favorable lors de sa sortie en 2008 (vous pouvez consulter, à ce sujet, l’excellent billet de Philippe Delaide sur le blog Le Poisson rêveur, en cliquant ici).

 

Le 26 août 2009, c’est l’oratorio I Penitenti al Sepolchro del Redentore, datant de 1736, qui retentira en l’église de Meslay du Maine. Par chance, ce sepolcro – composition sacrée pour le temps de Pâques, un genre qui florissait déjà à Vienne au XVIIe siècle – composé par un Zelenka qui s’était vu refuser, trois ans plus tôt, le poste de directeur musical de la Cour de Dresde au profit de Hasse, a été enregistré en novembre 2008, ce qui permettra à ceux qui le souhaitent et n’auront pas la chance d’entendre le concert, diffusé en direct sur France Musique, de ne pas avoir trop à attendre pour découvrir ce bijou.

Car, s’il en fallait encore, voici une preuve supplémentaire que Zelenka est un compositeur de tout premier plan, qui a su transcender les frustrations liées à une carrière qui l’a tenu éloigné de l’univers qui semblait l’attirer irrésistiblement, celui de l’opéra, en faisant montre d’une inventivité exceptionnelle. La rencontre imaginaire entre le roi David, Marie-Madeleine et Pierre, qui forme la trame d’ I Penitenti… n’est pas, à proprement parler, porteuse de situations très théâtrales, le caractère du sepolcro tendant plutôt, contexte oblige, vers la méditation. Pourtant, dès la musique aventureuse de la Sinfonia d’introduction – écoutez l’écriture audacieuse des parties de cordes et de hautbois dans l’adagio initial – il est évident que Zelenka va s’employer à jouer de la plus large palette de couleurs et de contrastes possible pour exacerber le dramatisme du livret et entraîner toute l’œuvre vers la sphère flamboyante de l’opéra sacré. Qu’il s’agisse des soupirs d’une Marie-Madeleine éperdue d’amour, du désespoir plus vindicatif de David ou de l’air de fureur de Pierre, la maîtrise du compositeur éclate à chaque mesure, au travers de l’usage de chromatismes, de silences ou d’alternances de nuances opposées imprévus, mais aussi de motifs à vocation plus illustrative, comme, par exemple, l’imitation de la harpe dans le dernier air de David. Mentionnons aussi le finale, où alternent voix seule et chœur, accompagnés par des voix instrumentales solistes, principalement le hautbois, qui lui confèrent une sensibilité et une profondeur particulièrement touchantes.

À musique exceptionnelle, il fallait une équipe de très haut niveau, et c’est peu de dire que la prestation du Collegium 1704 entraîne l’auditeur dans une suite ininterrompue de bonheurs. Le handicap qu’aurait pu constituer une prise de son à la réverbération ample mais maîtrisée est totalement annihilé par la vivacité sans hâte de la direction de Václav Luks, par l’exigence de lisibilité et le sens de la caractérisation dont il fait preuve. Qu’il s’agisse des chanteurs, voix chaleureuses et impliquées avec une mention spéciale pour la Marie-Madeleine de Mariana Rewerski, ou des instruments à la fois drus et pleins de rondeur, l’ensemble fusionne parfaitement et porte l’œuvre avec une envie et une humilité absolument réjouissantes.

 

Avec le Collegium Marianum, récemment évoqué ici, le Collegium 1704 donne un indice supplémentaire qu’une page prometteuse de l’interprétation de la musique baroque est en train de s’écrire à l’Est. Il faudrait être fou pour se priver des trésors que ces ensembles heureusement préservés de la « routine baroqueuse » nous offrent, ne pensez-vous pas ?

Le Collegium 1704 sur France Musique :

- Samedi 22 août 2009, 21h, direct du Festival de la Chaise-Dieu. « Zelenka, Requiem pour Auguste II » : Invitatorium, Leçons et Répons, ZWV 47. Requiem, ZWV 46.

- Mercredi 26 août 2009, 21h, direct du Festival de Sablé. Zelenka, I Penitenti al Sepolchro del Redentore, oratorio ZWV 63.

 

Le site du Collegium 1704 peut être consulté en cliquant ici.

Le site du Festival de Sablé peut être consulté en cliquant ici.

 

Jan Dismas ZELENKA (1679-1745) : I Penitenti al Sepolchro del Redentore, oratorio ZWV 63.


Mariana Rewerski, alto (Maddalena). Eric Stoklossa, ténor (Davidde). Tobias Berndt, basse (Pietro).
Collegium 1704. Collegium Vocale 1704.
Václav Luks, direction.

 

1 CD Zig-Zag Territoires ZZT 090803, à paraître le 27 août 2009. Ce CD peut se précommander en suivant ce lien.

 

Extraits proposés :

1. [Sinfonia] Adagio – Andante – Adagio.
2. Coro et Aria (Davidde) : « Miserere mio Dio » (chœur et air finals)

 

La photographie de l’ensemble Collegium 1704 est de Hasan El-Dunia (2007).

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commentaires

J
Un moment magique que ce concert, chère Marie, avec pour couronnement le Sepulto Domino extrait des Répons pour le Samedi Saint du même Zelenka, d'une maîtrise confondante et d'une émotion bouleversante.Je suis heureux que tu aies pu l'entendre, vraiment.
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J
Cher Philippe,J'avais beaucoup apprécié moi aussi la Missa votiva - je me suis d'ailleurs permis d'indiquer un lien vers votre chronique de ce disque - mais je trouve qu'avec ces Penitenti, le Collegium 1704 a franchi un nouveau palier vers l'excellence, impression largement confirmée par l'écoute des deux concerts où ces artistes se sont produits, La Chaise-Dieu et Sablé, qui ont été, du moins à mes oreilles, deux grands moments ainsi qu'une leçon donnée à tous les ensembles qui font ce que j'appelle de la musique baroque "au kilomètre".Bien amicalement.
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M
J'ai aimé sans pouvoir exprimer par des mots ce que j'ai ressenti. Une communion ?
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P
Cher Jean-Christophe. Je confirme les qualités de l'ensemble Collegium 1704 dont j'avais apprécié la fraîcheur et la belle densité sonore dans la Missa Votiva de Zelenka (http://lepoissonreveur.typepad.com/le_poisson_reveur/2008/12/missa-votiva-de-zelzenka-l%C3%A9nergie-positive.html). Bien amicalement. Philippe
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J
Merci à toi, chère Marie, d'être là !
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