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1 janvier 2011 6 01 /01 /janvier /2011 10:11
gabriel metsu homme ecrivant lettre

Gabriël Metsu (Leyde, 1629-Amsterdam, 1667),
Jeune homme écrivant une lettre
, c.1664/6.

Huile sur bois, 52 x 40,5 cm,
Dublin, National Gallery of Ireland.

 

2010 aura été, pour beaucoup d’entre nous, une année difficile, et je ne veux pas commencer ce traditionnel billet de Nouvel An sans adresser une pensée particulière aux lecteurs et amis qu’elle a cruellement éprouvés et les assurer de mon affection. 2011 s’annonce riche en événements de toute sorte et, sans être grand clerc, il y a fort à parier que, du moins en France, elle va être placée sous le signe de l’accélération du temps et de l’accroissement de manœuvres rarement reluisantes, une importante échéance électorale se dessinant au printemps 2012. Quelques vilenies récentes, englouties, comme tant d’autres choses, par l’hystérie consumériste des fêtes de fin d’année, attestent déjà de la hauteur des débats à venir.

 

Pour l’observateur de la vie culturelle que je m’efforce d’être, 2010 aura représenté un pas de plus vers une certaine standardisation du goût, tendance largement relayée, pour ne pas dire encouragée, par les médias généralistes et les réseaux sociaux. Quitte à passer, une fois encore, pour antédiluvien et grincheux, j’avoue être assez effaré par la propension de bien des gens à se laisser berner par un jeu sur les apparences savamment orchestré qui tend à tenir de plus en plus lieu de vision et dont le seul but est de mieux vendre tel chanteur à la voix d’ange, tel ensemble qui a si bien compris la musique baroque que les outrages qu’il lui fait subir feraient hurler s’ils étaient appliqués à Mozart ou Beethoven (mais Monteverdi, ce n’est pas si grave, a priori), tels faiseurs d’objets en plastique, fleuris ou non, dont le seul mérite est de pouvoir être, lois du marché obligent, accrochés à Versailles, bref tout un troupeau d’habiles poseurs, grands camelots du vent. De tels procédés imposent, plus que jamais, un nécessaire recul. Je ne prétends pas, bien entendu, que « c’était mieux avant » et que de telles supercheries sont d’invention récente ; ce serait mentir. Ce que je dis, en revanche, c’est que la force de frappe des nouveaux moyens de communication est telle que quelques avis « autorisés », sous réserve qu’ils soient correctement relayés, entraînent après eux une très large et souvent moutonnante opinion face à laquelle il fait de moins en moins bon, aujourd’hui, d’exprimer son désaccord. Combien de fois me suis-je fait tancer, amicalement ou plus rudement, lorsque j’ai émis des réserves sur l’opéramanie galopante des mélomanes ou l’italianocentrisme forcené en Histoire de l’Art, deux tendances qui participent largement, parmi d’autres,  à l’uniformisation dont je parlais plus haut ?

 

incontournable passee des artsPeu de nouveautés devraient apparaître dans les mois à venir sur Passée des Arts, si ce n’est, à compter des prochaines chroniques, le logotype ci-contre, destiné à distinguer les disques qui me semblent incontournables (d’où le choix d’un I enluminé), tant par le répertoire que par la qualité d’interprétation qu’ils proposent. Il ne s’agit pas ici de délivrer bons et mauvais points – certains organes « spécialisés » s’en chargent avec plus ou moins de clairvoyance – mais bien de faciliter l’utilisation du site en permettant aux lecteurs qui le souhaitent d’identifier immédiatement les parutions dont je considère l’acquisition comme prioritaire. Je compte également, en fonction de ce que proposeront les éditeurs, consacrer une part plus large à la musique du Moyen Âge et de la Renaissance, deux périodes qui me passionnent et, si j’en juge par les commentaires suscités par les billets qui leur ont été consacrés, éveillent un intérêt grandissant auprès du public, malgré les distances temporelles et spirituelles qui nous en séparent. Les ensembles qui les font revivre, dans des conditions matérielles parfois très difficiles, ont conservé l’esprit de découverte et la fraîcheur du regard qui font aujourd’hui si cruellement défaut à bien des ensembles baroques installés et repus, qui sommeillent en thésaurisant un héritage dont ils ont oublié la portée. Je continuerai, enfin, à suivre d’aussi près que possible les initiatives individuelles ou institutionnelles, comme celles du Palazzetto Bru Zane, qui visent à nous permettre de redécouvrir des pans méconnus de notre patrimoine.

 

En ce premier jour d’une année qui sera certainement riche en programmes qui promettront, plus ou moins fallacieusement, de changer la vie, celui de Passée des Arts, bien plus modeste, restera immuable : vous accompagner, vous qui me faites l’honneur de me lire, sur les chemins de la découverte ou de la redécouverte de fragments de notre histoire qui méritent mieux que la marchandisation ou l’oubli.

 

A toutes et à tous, ainsi qu’à ceux qui vous sont chers, je souhaite le meilleur pour 2011.

 

Accompagnement musical :

 

Johann Philipp Krieger (1649-1725), Ich will in Friede fahren, air sacré pour voix, basses de viole et continuo en ut mineur (1684)

 

Franz Vitzthum, contre-ténor
Les Escapades

 

ich will in friede fahren franz vitzthum les escapades1 CD Christophorus CHR 77305. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.

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commentaires

C
<br /> <br /> Merci de votre réponse.<br /> <br /> <br /> Je me voyais un peu confuse de vous pousser dans les retranchements de la détractation, puisque vous avez la délicatesse de ne parler sur ce blog que de ce que vous aimez, en sachant éviter les<br /> facilités du dénigrement. Cependant, je ne le regrette pas. Je vous rejoins totalement à propos des dérives commerciales de l'Arpeggiata (quant à Emmanuelle Haïm, je n'ai jamais accroché au peu<br /> de propositions que j'en ai entendues...), et partage, comme c'est de le cas de tous vos lecteurs sans doute, votre grande exigence, rempart essentiel face à la médiocrité qui gagne tous les<br /> domaines de notre civilisation sans jamais la servir. Médiocrité qui apparaît comme un synonyme illogique et déplorable de la standardisation du goût dont vous vous inquiétez à juste raison. Bien<br /> sûr que ce n'est pas nouveau: cela fait plus d'un siècle que ça dure ! N'empêche !<br /> <br /> <br /> Un jour optimiste, j'aurais tendance à croire au pouvoir de la résistance, ou de l'indignation, pour reprendre le mot de Stéphane Hessel, en tout cas d'un courant contraire au vent ambiant qui<br /> justifierait par sa nécessité l'élitisme fatal qu'il engendre. Oui, il faut choisir son camp et ne rien lâcher, et cela, vous le faites élégamment.<br /> <br /> <br /> Merci pour l'invitation.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Comme vous l'avez compris, Catherine, je mets un point d'honneur à ne parler, au fil de ces pages, que des disques qui m'ont touché. Démolir un enregistrement (ou un concert, pour ceux qui les<br /> chroniquent) est une chose infiniment aisée, puisqu'un esprit qui, pardonnez ma trivialité, cherche la petite bête finit toujours par la trouver. Je n'en rajoute donc pas en ce qui concerne<br /> L'Arpeggiata et Emmanuelle Haïm, puisque je vois que nous nous rejoignons quant à l'appréciation que nous portons sur leur travail, toute révérence faite à l'inverstissement qu'elles ne manquent<br /> certainement pas d'y mettre.<br /> <br /> <br /> Choisir son camp est sans nul doute une nécessité aujourd'hui, ne serait-ce que pour donner une assise un tant soit peu solide à la réflexion. Bien sûr, le but n'est pas d'exclure a<br /> priori, mais bien de tenter de choisir les réalisations qui sont porteuses d'un véritable projet et ne se résument donc pas, pour nous en tenir au domaine musical, au match Haendel-Vivaldi<br /> qui a marqué 2010 et va empoisonner 2011, ou aux distributions all stars des récitals qui semblent représenter le nec plus ultra de la rentabilité aux yeux de majors du<br /> disque à bout de souffle. Je préfère et préfèrerai toujours contribuer à faire connaître le travail d'ensembles valeureux comme le Poème Harmonique (puisque nous parlions de lui) ou ceux qui<br /> s'attachent à des répertoires réputés difficiles comme les musiques du Moyen Âge ou de la Renaissance, plutôt que servir la soupe. Si les blogs ne servent pas à ça et se contentent de répéter ce<br /> que font les autres médias, autant, à mon avis, ne pas en écrire.<br /> <br /> <br /> Soyez, une fois encore, la bienvenue ici.<br /> <br /> <br /> Bien à vous.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Ce n’est pas la première fois que je me retrouve  sur ce blog, par des chemins détournés et que je me laisse<br /> emporter dans d’irrésistibles flâneries finalement interminables.<br /> <br /> <br /> Là, ma curiosité est piquée au vif : y aurait-il un « Monteverdi » qui m’a échappé en 2010 ? On avait bien compris que les facéties de<br /> l’Arpeggiata (tant pis, je mets les pieds dans le plat) faisant du Monteverdi version jazz vous avaient déplues, mais c’était avant l’année dernière. Et cette critique ne peut concerner le<br /> magistral Combattimento di Tancredi e Clorinda que nous a livré cet automne le Poème Harmonique. Car, s’il est un ensemble avec un propos vrai,<br /> c’est bien lui. D’année en année, il poursuit son chemin dans l’exploration de la musique du XVIIème siècle avec une belle foi portée par une humilité déférente bien rare de nos jours. Oui, si<br /> l’on peut déplorer une certaine standardisation dans le domaine culturel, mais pas seulement, il faut, à mon avis, rassembler toutes nos énergies à soutenir ces personnes qui œuvrent, loin de<br /> tout nombrilisme, pour nous ouvrir les portes de l’inédit et du sublime.<br /> <br /> <br /> Bon alors, cet «  ensemble qui a si bien compris la musique baroque que les outrages qu’il lui fait subir feraient hurler s’ils étaient appliqués à Mozart<br /> ou Beethoven » ... non, vraiment, je ne vois pas ... ?!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Je vous rassure, Catherine, aucun Monteverdi ne vous a échappé en 2010 et "l'ensemble qui a si bien compris la musique baroque que les outrages qu'il lui fait subir feraient hurler s'ils étaient<br /> appliqués à Mozart ou Beethoven" est bien l'Arpeggiata.<br /> <br /> <br /> Je précise ma pensée. J'ai beaucoup aimé les débuts de cet ensemble, lorsqu'il nous a offert des Landi, Kapsberger ou Cavalieri magnifiques, mais la dérive commerciale, soulignée un nombre<br /> croissant d'observateurs de la vie musicale, qui a accompagné son engagement par une major est assez épouvantable. Monteverdi jazzy pourquoi pas, mais découpé et recollé au gré des<br /> envies (Teatro d'amore), non. La spiritualité de bazar de Via crucis ne passe pas plus, et attendez d'entendre les Vêpres de la Vierge amorphes et sans vision qui<br /> sortiront dans quelques semaines (j'ai fait l'effort d'écouter cette réalisation deux fois). Le problème, à mes yeux, c'est que C. Pluhar a un don naturel pour savoir réunir des plateaux vocaux<br /> de très haute volée, dont le brillant masque l'absence de propos interprétatif (un exemple parmi cent autres : P. Jaroussky chantant Michel Lambert, très beau, sans doute, mais historiquement<br /> faux), une qualité qu'elle partage d'ailleurs avec E. Haïm, une autre de mes grandes déceptions de ces 10/15 dernières années, et que sa manière d'aborder la musique du premier XVIIe siècle est<br /> tellement séduisante en apparence que nombre de ceux qui la goûtent sont, en général, déçus de ne pas la retrouver dans d'autres réalisations, bien souvent beaucoup plus intéressantes mais qui<br /> sont passées sous silence parce que moins savamment emballées et vendues. C'est ce danger, qui rejoint la standardisation du goût dont je parle dans ce billet, qui m'inquiète vraiment.<br /> <br /> <br /> Pour ce qui est du Poème Harmonique, peut-être suffit-il que je dise que je le suis depuis son premier disque chez Alpha et que je n'en ai, depuis, manqué aucun. Vincent Dumestre et ses musiciens<br /> accomplissent un travail remarquable, car respectueux des musiques documentées comme du public auquel elles sont proposées, dénué de clinquant et de facilité. Leur Combattimento en<br /> apporte une nouvelle preuve, et je ne doute pas que les Leçons de Ténèbres de Couperin en préparation seront également une belle réussite. Vous avez raison de souligner que cet ensemble<br /> mérite reconnaissance et soutien, mais je crois que c'est largement le cas dans le coeur des amateurs de musique baroque, et c'est tant mieux.<br /> <br /> <br /> J'ai été un peu long dans ma réponse, ce dont je vous prie de bien vouloir m'excuser, mais il me semble qu'il était nécessaire de préciser deux ou trois points. J'espère avoir le plaisir de vous<br /> lire de nouveau sur Passée des arts où vous êtes, sachez-le, la bienvenue.<br /> <br /> <br /> Bien à vous.<br /> <br /> <br /> <br />
T
<br /> <br /> "Grincheux", avez-vous dit ? Vos propos sont d'une justesse et d'une pertinence qui me ravissent ! J'ai découvert votre merveilleux site depuis peu et je veux ici vous remercier pour le bonheur<br /> qu'il apporte. C'est en effet un bonheur de découvrir, au travers de vos écrits de grande qualité et de vos choix musicaux, des compositeurs inconnus, oubliés. Bravo aussi pour l'idée des disques<br /> incontournables représentés par le magnifique "I" enluminé. Je me réjouis d'avance à l'idée du voyage vers la musique de la Renaissance et du Moyen Âge . Que de belles découvertes musicales en perspective !<br /> <br /> <br /> A vous et à vos proches, tous mes meilleurs voeux pour la nouvelle année.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Disons, Thierry, que l'humeur de ce billet pouvait paraître un peu sombre, du moins à ce qu'on m'en a dit, mais je crois les constats qu'il dresse sont malheureusement assez justes. Comme l'a<br /> parfaitement résumé un autre lecteur, Benoît, les temps que nous traversons manquent d'une qualité essentielle : la décence. Il faut dire que celle-ci s'accorde assez mal avec les manigances des<br /> marchands. C'est une raison supplémentaire, à mes yeux, de nous tourner aussi souvent que possible vers les choses qui élèvent notre esprit, qu'il s'agisse des arts ou du regard que nous portons<br /> sur ce qui nous entoure.<br /> <br /> <br /> Je vous remercie pour l'attention que vous portez à mon travail et espère vous retrouver souvent au fil de ces pages dans les mois à venir. Tous mes voeux vous accompagnent, ainsi que ceux qui<br /> vous sont chers, pour que 2011 soit une année de lumineuse sérénité.<br /> <br /> <br /> Bien cordialement.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Merci Jean Christophe pour ce billet clairvoyant que je prends enfin le temps<br /> de lire ... et encore bravo pour la qualité de tous vos écrits et illustrations sonores et picturales. J'avoue ne prendre que trop rarement le temps de les déguster, mais il est bon de savoir où<br /> se ressourcer à ses heures!<br /> <br /> <br /> Bonne continuation et encore tous mes voeux pour cette nouvelle année!<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> C'est moi qui vous remercie, Claudine, d'avoir pris de votre temps pour venir lire ce billet de nouvelle année non exempt, comme vous l'avez vu, d'une certaine inquiétude. Mais, Dieu merci, à<br /> côté des machines sans âme que j'y dénonce, il existe aussi des gens comme vous qui ont le souci de promouvoir la musique dans un esprit de curiosité et d'accessibilité qui vous fait honneur.<br /> <br /> <br /> Tous mes voeux les plus sincères vous accompagnent, à titre personnel et pour vos projets.<br /> <br /> <br /> Bien cordialement.<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> Je viens de découvrir votre merveilleux site, témoin et sublimation de notre patrimoine culturel, sous toutes ses formes d'expression.<br /> <br /> <br /> Votre paroles sont justes, l'avenir est, en restant optimiste, morose... Mais vos articles vont réveiller ces couleurs passées lors de mes prochaines lectures j'en suis certaine.<br /> <br /> <br /> Tous mes voeux pour une année richement artistique et culturelle cher monsieur!<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Bonjour Sabine, bienvenue en ces lieux et merci pour votre commentaire.<br /> <br /> <br /> Je vous réponds après être passé chez vous et je vous redis toute mon admiration devant le travail que vous effectuez pour la sauvegarde du patrimoine, si loin des effets de manche et de mode qui<br /> le dénaturent. J'espère honnêtement avoir péché par pessimisme dans mon texte, mais je crains que certaines entreprises ne me donnent, hélas, raison, ce qui m'est une motivation supplémentaire<br /> pour tenter de continuer à défendre l'idée que je me fais de la culture, vivante parce qu'insoumise à l'avidité des marchands. Sans doute est-ce complètement utopique, mais j'assume d'être un<br /> brin rêveur.<br /> <br /> <br /> Je vous souhaite une très lumineuse année et espère vous retrouver au fil des pages de Passée des arts.<br /> <br /> <br /> Bien cordialement.<br /> <br /> <br /> <br />